Mercredi de la Passion

Mercredi de la Passion

Mercredi de la Passion

Le mot des Pères du désert

Abba Antoine a dit : Je vis tous les filets de l’ennemi déployés sur la terre, et je dis en gémissant : « Qui donc passera outre ces pièges ? » Et j’entendis une voix me répondre : « l’humilité ».

Les juifs veulent lapider Jésus (Io 10, 22-38) : commentaire de Dom Delatte

La fête de la Dédicace (Encænia, ou encore fête des Lumières) se célébrait deux mois environ après la Scénopégie, vers la fin de décembre. Après la captivité de Babylone, le temple avait été rebâti par Zorobabel ; Hérode, pour flatter les Juifs, s’était appliqué à lui rendre sa magnificence première. On y avait consacré près d’un demi-siècle de travaux, et l’œuvre n’était pas terminée encore. Sans doute afin que ce nouveau temple n’eût rien à envier à l’ancien, on avait restitué le « portique de Salomon ». Mais la fête des Encænia n’a pour objet de célébrer ni la dédicace du temple de Salomon, ni celle du temple de Zorobabel : elle a simplement pour dessein de perpétuer le souvenir de la purification accomplie par Judas Macchabée (1 Mcc 4, 42-58 et 2 Mcc 1, 18-36 ; 10, 1-8), après trois ans de profanation.

Le Seigneur était arrivé à Jérusalem pour la fête. C’était l’hiver, remarque saint Jean. Jésus se promenait sous le portique de Salomon, à l’est du temple, lorsque les Juifs l’entourent et l’interrogent : « Pourquoi tenir davantage notre esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-le donc ouvertement. » La fête de la Dédicace, qui rappelait la chute d’Antiochus Épiphane et les victoires des Macchabées, réveillait les espérances nationales ; quelques-uns peut-être interrogeaient avec droiture et se demandaient si l’heure de l’affranchissement était enfin venue. À ceux qui ne veulent pas croire, comme à ceux qui attendent un règne de Dieu tout terrestre, le Seigneur fait la même réponse : Que de fois je vous ai dit ce que je suis ! Que de fois vous l’ont prouvé ces œuvres que je fais au nom de mon Père, et qui montrent que je suis son Fils ! Mais vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. — Si les Juifs ne se rendent ni aux paroles, ni aux miracles du Seigneur, la cause en est dans leurs dispositions intimes, dans l’esclavage volontaire que leur créent les préjugés ou la haine. Il faudrait, pour croire, apporter à l’école du Seigneur une intelligence docile et confiante ; en un mot, il faudrait être une brebis du Seigneur.

Telle est, en effet, la condition des vraies brebis. Elles obéissent à la voix de leur pasteur, et leur pasteur les connaît, et elles le suivent. Le Seigneur, une fois de plus, revient à ces invitations tendres au prix desquelles il s’efforce d’attirer à lui les hommes par le souci de leur intérêt surnaturel. Être à Dieu, être la brebis d’un tel pasteur, être enseigné de lui, être connu de lui, le suivre partout ; et, grâce à lui, être assuré de vivre éternellement, sans que personne au monde puisse nous ravir à lui : n’y a-t-il pas dans ces perspectives de quoi lui amener les âmes et les lui attacher à jamais ? « Et je leur donne la vie éternelle, ajoute-t-il, et elles ne périront point, et nul ne les arrachera de mes mains. » Et, comme ces dernières paroles contenaient l’affirmation de sa toute-puissance, le Seigneur la fait remonter à son Père, de qui il la reçoit, mais de qui il la reçoit comme Fils, dans l’unité de nature. D’où vient la sécurité des brebis ? D’où vient la sérénité du pasteur ? « Ce que mon Père m’a donné est plus puissant que toutes choses » : c’est donc la toute-puissance qui est aux mains du Fils ; « et nul ne peut ravir les âmes des mains de mon Père » : c’est donc la même toute-puissance qui est aux mains du Père. La conclusion naissait d’elle-même du jeu mutuel de ces deux affirmations : « le Père et moi nous sommes un », une même réalité, donnée par l’un, reçue par l’autre, donnée et possédée, reçue et possédée au même titre.

En face de ce qu’ils considèrent comme un blasphème nouveau, les Juifs se préparent à lapider le coupable : c’était une réponse en action. Peut-être le portique de Salomon n’était-il pas terminé et fournissait-il abondance de projectiles : la tentative essayée naguère (Io 8, 59) se répète. Cette fois, au lieu de se dérober, le Seigneur en appelle à la conscience et à la loyauté de ses juges, bientôt ses bourreaux. Il plaide ; mais dans son plaidoyer même, il affirme de nouveau ce dont on veut lui faire un crime. « J’ai accompli sous vos yeux, dit-il, après en avoir reçu de mon Père le pouvoir, nombre d’œuvres de miséricorde et de bienveillance : quelle est donc celle qui me vaut d’être lapidé par vous ? » Les Juifs répondent : « Ce n’est pour aucune œuvre bonne que nous vous lapidons, mais à cause de votre blasphème. Vous êtes un homme, et vous vous faites Dieu. » Dès lors que le Seigneur, en effet, se dit le Fils de Dieu, il est et il se dit de même nature que son Père. Les Juifs ne se méprennent aucunement sur la portée de l’assertion.

Sans rien retirer de cette assertion divine, sans même cesser de la reproduire, le Seigneur montre combien peu sont recevables ses ennemis et combien justifié le témoignage qu’il se rend à lui-même. Dans la Loi juive, au Psaume 81, il est écrit des magistrats de l’Ancien Testament qu’ils sont des dieux, des fils du Très-Haut. On ne peut, dit le Seigneur, ni contester ni effacer cette parole de l’Écriture que Dieu lui-même adresse à des hommes. Ils sont hommes, et ils sont dieux aussi. Pourquoi dieux ? Simplement parce qu’ils ont communié à Dieu, par l’investiture qu’il leur a donnée de sa vérité et de son autorité ; à raison, par conséquent, d’une participation accidentelle, limitée, temporaire, à l’un de ses attributs divins. Et lorsque celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde dit de lui-même : « Je suis le Fils de Dieu, » vous l’accusez de blasphème ?

Ne croyons pas que le Seigneur adoucisse ou atténue la vérité, ni qu’il réduise sa filiation divine à ]a mesure de cette filiation adoptive reconnue à d’autres par l’Écriture. Non ; jamais, au contraire, on n’a raisonné plus rigoureusement, et toutes les paroles du Seigneur contiennent une solennelle confirmation de ce qu’il a dit plus haut (verset 30). Parce qu’ils ont communié accidentellement à la parole et au pouvoir de Dieu, on a donné aux juges le titre de dieux par participation : dans le cas présent, la condition est tout autre. Il y a ici quelqu’un qui est de la Sainte Trinité. Le Père l’a sanctifié par la communication de sa sainteté infinie et aussi en le destinant éternellement à l’œuvre rédemptrice qu’il devait accomplir. Puis, dans le temps, il a, de son titre de Père, envoyé dans le monde celui qui reposait et continue de reposer dans son sein ; celui-là se nomme lui-même le Fils de Dieu : qui pourrait lui contester le titre qu’il se donne ?

Aussi bien, le Seigneur fournissait-il une preuve irrécusable de sa parole, une démonstration de sa filiation. Nous l’avons entendue déjà plus d’une fois. Celui qui n’est que Fils, qui n’agit que comme tel, accomplit les œuvres de son Père ; c’est le Père qui agit en lui et par lui. Étaient-ce des œuvres divines et dignes du Père, celles que le Seigneur accomplissait depuis si longtemps au milieu des Juifs ? Dès lors, comment refuser de croire ? S’il vous est difficile de me croire sur parole, ajoute Jésus, croyez à mes œuvres : elles vous apprendront, et de jour en jour vous croirez davantage que mon Père est en moi, que je suis dans mon Père ; que nous sommes deux, — et que nous sommes un, par la nature, par l’union vitale qui existe entre nous, par l’inhabitation et l’inexistence mutuelle du Fils dans le Père, du Père dans le Fils.

Prières

Oratio

Sanctificáto hoc ieiúnio, Deus, tuórum corda fidélium miserátor illústra : et quibus devotiónis præstas afféctum, præbe supplicántibus pium benígnus audítum. Per Dóminum.

Oraison

Dieu de miséricorde, sanctifiez ce jeûne, éclairez les cœurs de vos fidèles, et prêtez une oreille favorable aux supplications de ceux auxquels vous inspirez le sentiment de la piété.

Oratio

Adésto supplicatiónibus nostris, omnípotens Deus : et, quibus fidúciam sperándæ pietátis indúlges ; consuétæ misericórdiæ tríbue benígnus efféctum. Per Dóminum.

Oraison

Soyez attentif à nos supplications, Dieu tout-puissant, et dans votre bonté, accordez l’effet de votre habituelle miséricorde à ceux à qui vous donnez la confiance d’espérer votre clémence.

Prière de Guillaume de Saint-Thierry (1085-1148)

Seigneur, donnez-moi la charité, vous qui avez voulu être nommé Charité, afin que je vous aime plus que moi-même, et que je ne me soucie aucunement de ce que je ferai de moi, pourvu que je fasse ce qui vous plaît. Donnez-moi, Père, de toujours être, je n’ose dire votre fils, mais votre fidèle petit serviteur, et la brebis de votre pâturage. Parlez, Seigneur, de temps en temps au cœur de votre serviteur, et que vos consolations réjouissent mon âme. Apprenez-moi à vous parler plus souvent, à vous confier, Seigneur, mon Dieu et mon Père, toute ma pauvreté et tout mon manque. Ô vous qui êtes ma force, ayez pitié de moi qui suis fragile. Et que ce soit grande gloire pour vous qu’un être aussi faible que moi puisse persévérer à votre service. Ainsi soit-il.

Antiennes

Ã. Oves meæ vocem meam áudient : et ego Dóminus agnósco eas.

Ã. Mes brebis écouteront ma voix : et moi, le Seigneur, je les connais.

Antienne grégorienne “Oves meæ”

Ã. Multa bona ópera operátus sum vobis : propter quod opus vultis me occídere ?

Ã. Beaucoup d’œuvres excellentes, j’ai faites devant vous : pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me faire mourir ?

Antienne grégorienne “Multa bona opera”

Antiennes Oves meæ +

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Mardi de la Passion

Mardi de la Passion

Mardi de la Passion

Le mot des Pères du désert

Un ancien a dit : « En toute épreuve, ne blâme pas les autres, mais toi seul, disant : C’est à cause de mes fautes que cela arrive. »

Daniel dans la fosse aux lions, figure du Christ

Dn 14, 27-30 — Les Babyloniens, saisis d’une vive indignation, se rassemblèrent contre le roi et dirent: « Le roi est devenu juif ; il a détruit Bel, fait mourir le dragon et massacrer les prêtres. » Ils vinrent donc trouver le roi et lui dirent: « Livre-nous Daniel ; sinon, nous te ferons mourir, toi et ta maison ». Le roi vit qu’ils se jetaient sur lui avec violence ; cédant à la nécessité, il leur livra Daniel. Ils le jetèrent dans la fosse aux lions, et il y demeura six jours.

Dn 14, 39-42 — Le septième jour, le roi vint pour pleurer Daniel ; étant venu vers la fosse, il regarda, et voici que Daniel était assis au milieu des lions. Il cria à haute voix et dit : « Vous êtes grand, Seigneur, Dieu de Daniel, et il n’y en a point d’autre que vous ! » Et il le retira de la fosse aux lions. Puis il fit jeter dans la fosse ceux qui avaient voulu le perdre, et ils furent dévorés sous ses yeux, en un instant. Alors le roi dit : « Que tous les habitants de la terre entière craignent le Dieu de Daniel, car c’est lui qui est le Sauveur, qui fait des signes et des prodiges sur la terre, lui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions ! »

Commentaire mystique de Rupert de Deutz (résumé par Dom de Monléon)

La jalousie des satrapes et des princes contre Daniel, figurait à l’avance celle dont seraient animés un jour les princes des prêtres et les chefs du peuple contre le Christ. Eux aussi chercheront à le prendre en défaut, ex latere regis, c’est-à-dire de flanc, avec traîtrise, en lui tendant des pièges sur la question du roi ; en disant, par exemple : « Est-il permis de payer le cens à César ? » Quelle aubaine pour eux, si Jésus avait dit que c’était défendu ! L’autorité romaine n’aurait pas manqué aussitôt de le faire arrêter et mettre à mort, ou, au moins, de le réduire à l’impuissance. Mais Jésus se gardait de dire rien de pareil, et il était impossible de recueillir le plus petit grief contre lui. Cependant, tout en rendant à César ce qui est à César, il ne cessait de rendre à Dieu ce qui est à Dieu, sans souci de la loi des Mèdes et des Perses, c’est-à-dire sans s’embarrasser des innombrables traditions forgées par les Scribes et les Pharisiens. Il continuait de prier à sa manière, dans le haut de sa maison, c’est-à-dire en esprit et en vérité (Io 4, 23), et toutes fenêtres ouvertes, sans rien dissimuler de sa doctrine (Io 18, 12).

Alors ses ennemis, exaspérés, comme ceux de Daniel, réclament sa mort. L’autorité romaine, en la personne de Pilate, essaie, comme Darius, de leur résister, mais les forcenés le menacent : « Si tu le laisses aller, tu n’es pas l’ami de César ! » (Io 19, 12). Et Pilate cède, comme Darius a cédé ; et Jésus est condamné à mort, exécuté, mis en terre…

Mais bientôt il ressort vivant du tombeau comme Daniel est sorti indemne de la fosse. Les lions, contraints de respecter la victime qu’on leur a jetée, se sont vengés sur ses ennemis ; et de même la croix, qui n’a pu triompher du Christ, puisqu’il a échappé à la mort, se venge sur ceux qui l’ont condamné : les Juifs seront crucifiés par dizaines de milliers autour des murs de la Ville Sainte, lorsque Titus viendra en faire le siège.

Et de même que Darius, après avoir accepté que Daniel soit condamné, l’appellera hors de la fosse, et proclamera la transcendance du Dieu qu’il sert ; de même la puissance romaine, après avoir laissé mourir le Christ, l’invitera un jour, par l’entremise de Constantin, à sortir de l’obscurité des catacombes et obligera tous les peuples à adorer le Dieu qu’il est venu faire connaître aux hommes.

Jésus choisit son heure (Io 7, 2-13) : commentaire de Dom Delatte

On approchait de la grande fête juive des Tabernacles, appelée en grec Scénopégie, qui avait lieu fin Septembre. Elle avait été instituée afin de rappeler au peuple le souvenir des quarante ans passés sous la tente, dans le désert (Dt 16, 13-15 et Lv 23, 33-43). Huit jours durant, les pèlerins de Jérusalem habitaient des tentes ornées de feuillages, disposées sur les places et autour du temple.

À la vue de l’évident parti pris du Seigneur de se confiner en Galilée, pays obscur et méprisé, ses frères, c’est-à-dire ses parents, ses proches selon le sang, désireux peut-être de leur part de réputation, lui font remarquer qu’au point de vue de sa mission, se limiter à la Galilée est hors de raison. Le vrai centre est Jérusalem. C’est là qu’il faut se rendre, si l’on veut saisir le Judaïsme tout entier. Le Messie d’ailleurs y compte des disciples : les miracles les affermiront dans leur foi et leur attachement. Lorsqu’on est investi d’une mission publique, lorsqu’on est prétendant, on n’a pas le droit de se retrancher dans l’obscurité. « Vous faites des miracles : c’est donc que vous voulez être connu ? Alors manifestez-vous au monde ! » Ces proches étaient Galiléens ; ils partageaient les préjugés nationalistes de leurs concitoyens (Io 6, 15) ; ils rêvaient pour Jésus une royauté terrestre, et pour eux-mêmes sans doute quelque haute situation. Lorsque saint Jean nous dit qu’ « ils ne croyaient pas en lui », cela ne signifie point une méconnaissance absolue de son pouvoir miraculeux, puisqu’ils l’invitent à se porter en lieu plus utile et plus opportun ; cela veut dire que leur foi n’a pas le titre voulu, qu’elle est mêlée de préoccupations humaines, altérée par des désirs personnels.

Monter à Jérusalem avec sa famille, c’eût été se mettre à la tête d’un mouvement populaire et exciter une sédition. Le Seigneur s’y refuse. Il consentira au triomphe du dimanche des Rameaux : il ne se prête point à une apothéose ménagée par sa parenté. On le presse de se montrer au monde : il observe simplement que l’heure de sa révélation et de sa manifestation n’est pas venue encore. La condition de ses proches est fort différente. Ils ne portent pas au monde des vérités qui le heurtent et l’irritent; ils ne courent pas le risque, s’ils vont à Jérusalem ostensiblement, d’y être crucifiés. Toute heure leur est bonne. « Le monde ne peut vous haïr ; mais moi, il me hait, parce que je porte sur lui ce témoignage que ses œuvres sont mauvaises. Montez, vous autres, à la fête ; moi, je ne monte pas à cette fête, parce que mon temps n’est pas encore accompli ». Le Seigneur songe à une autre fête. La réponse, volontairement ambiguë, laissait planer le doute sur son dessein ; elle témoignait seulement qu’il ne consentait pas à accompagner ses parents. Et de fait, il les laisse partir et demeure en Galilée. Mais, poursuit saint Jean, après que ses frères furent montés à la fête, il y monta lui aussi, non pas ouvertement, mais comme en secret : c’est-à-dire hors des caravanes et par une route différente.

Le Seigneur s’est rendu à Jérusalem, sans bruit, évitant les foules. Cependant, la nouvelle de son arrivée s’est répandue et la curiosité des Juifs est en éveil. Nous savons que, dans saint Jean, cette désignation « les Juifs » est ordinairement réservée à tout le parti hostile au Seigneur : peut-être est-elle née à l’époque même où l’Apôtre écrivait son évangile ; durant tout le premier siècle, les Juifs furent les principaux adversaires du christianisme et les pourvoyeurs officiels de la persécution. Dans les groupes de pèlerins galiléens qui arrivent, les gens de la Synagogue cherchent donc Jésus : « Où est-il ? » Même absent, il est le thème des conversations. Comme toujours, des appréciations très diverses circulent à travers. la foule. Il est bon et juste, disent les uns ; non, répliquent les autres, il séduit et entraîne le peuple. Mais il n’y avait pas de discussion ouverte : nul n’osait, par crainte des Juifs, s’exprimer librement sur son compte, ni surtout prendre parti pour lui.

Prières

Oratio

Nostra tibi, Dómine, quæsumus, sint accepta ieiúnia : quæ nos et expiándo grátia tua dignos effíciant ; et ad remédia perdúcant ætérna. Per Dóminum.

Oraison

Nous vous en supplions, Seigneur, faites que nos jeûnes vous soient agréables ; afin qu’expiant nos péchés, ils nous rendent dignes de votre grâce, et qu’ils nous servent de remèdes pour la vie éternelle.

Oratio

Da nobis, quæsumus, Dómine : perseverántem in tua voluntáte famulátum ; ut in diébus nostris, et mérito et número, pópulus tibi sérviens augeátur. Per Dóminum nostrum.

Oraison

Nous vous en supplions, Seigneur, donnez-nous la persévérance dans la soumission à votre volonté, afin que, de nos jours, le peuple qui vous sert, augmente en mérite et en nombre.

Prière de Saint Anselme (1033-1109)

Seigneur, mon Dieu, donnez à mon cœur de vous désirer ; en vous désirant, de vous chercher ; en vous cherchant, de vous trouver ; en vous trouvant, de vous aimer ; et en vous aimant, de racheter mes fautes ; et une fois rachetées, de ne plus les commettre. Seigneur, mon Dieu, donnez à mon cœur la pénitence, à mon esprit le repentir, à mes yeux la source des larmes, et à mes mains la largesse de l’aumône. Vous qui êtes mon Roi, éteignez en moi les désirs de la chair, et allumez le feu de votre amour. Vous qui êtes mon Rédempteur, chassez de moi l’esprit d’orgueil, et que votre bienveillance m’accorde l’esprit de votre humilité. Vous qui êtes mon Sauveur, écartez de moi la fureur de la colère, et que votre bonté me concède le bouclier de la patience. Vous qui êtes mon Créateur, déracinez de mon âme la rancœur, pour y répandre la douceur d’esprit. Donnez-moi, Père très bon, une foi solide, une espérance assurée et une charité sans faille. Vous qui êtes mon guide, écartez de moi la vanité de l’âme, l’inconstance de l’esprit, l’égarement du cœur, les flatteries de la bouche, la fierté du regard. Ô Dieu de miséricorde, je vous le demande par votre Fils bien-aimé, donnez-moi de vivre la miséricorde, l’application à la piété, la compassion avec les affligés et le partage avec les pauvres.

Antienne

Ã. Tempus meum nondum advénit, tempus autem vestrum semper est parátum.

Ã. Mon temps n’est pas encore venu, mais votre temps est toujours prêt.

Antienne grégorienne “Tempus meum”

Antienne Tempus meum

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Lundi de la Passion

Lundi de la Passion

Lundi de la Passion

Le mot de Dom Delatte

Venir au Seigneur, c’est reconnaître en lui le Fils de Dieu ; avoir soif, c’est porter en soi une âme religieuse et désireuse de justice.

Jonas et les ninivites (Ion 3, 1-10) : commentaire de Dom de Monléon

Commentaire littéral

Ninive, où Jonas avait ordre de se rendre, était une grande ville de trois jours de marche, c’est-à-dire qu’il fallait trois jours pour en faire le tour à pied. D’après l’Écriture, c’était l’une des plus anciennes cités du globe, et elle avait été fondée par un certain Assur, fondateur de la puissance assyrienne, et plus connu des auteurs de l’antiquité sous le nom de Ninus (Gn 10, 11).

Jonas, étant entré dans la ville, la parcourut en tous sens pendant une journée entière, clamant et répétant inlassablement la phrase que Dieu lui avait dite : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »

Comment serait-elle détruite ?… Il ne précisait pas, il n’en savait rien lui-même. Mais il y avait dans le ton de sa voix une conviction tellement ferme, une autorité si absolue, que tous ceux qui l’entendaient en furent bouleversés. Brusquement, une émotion indicible s’empara de la ville entière, un véritable ouragan de repentir se déchaîna dans ses murs. Les habitants comprirent que l’homme qu’ils avaient devant eux n’était ni un fou, ni un énergumène, ni un illuminé. C’était manifestement un serviteur de Dieu, et ce qu’il annonçait était très grave : une catastrophe terrible allait certainement s’abattre sur la cité, juste rétribution des désordres et des turpitudes qui la déshonoraient depuis des années. Alors, dans un bel élan, ils crurent en Dieu, dit l’Écriture (in Deum). Remarquons cette expression : l’auteur sacré ne dit pas qu’ils crurent à Dieu, c’est-à-dire à la vérité de ce que Dieu leur faisait annoncer par son Prophète. Ils crurent en Dieu. « Croire en Dieu, explique Saint Thomas, est plus efficace et signifie davantage que croire à Dieu ; c’est mettre en Lui non seulement sa foi, mais son espérance, et toute sa confiance, accompagnée d’amour ; c’est se livrer, avec tout ce que l’on possède, à sa Providence, tout lui abandonner, et s’en remettre à Lui seul du soin de son salut ».

Les Ninivites, en croyant à la prédication de Jonas, crurent par le fait, d’abord, à Dieu, c’est-à-dire à sa toute-puissance et à la vérité de la menace qu’il leur adressait. Mais, en même temps, ils crurent en Dieu : avec cette intuition que donne la présence d’un danger imminent, ils pressentirent que le délai de 40 jours qui leur était départi, laissait place à la miséricorde. Si Dieu avait été décidé à les perdre inexorablement, le châtiment se serait abattu sur eux sans préavis, comme il était advenu jadis pour Sodome et pour Gomorrhe. Sous la colère qui tonnait, ils devinèrent la bonté qui se cachait, toute prête à intervenir s’ils lui en donnaient l’occasion. Alors, sans hésiter, ils commencèrent par jeter bas leurs idoles, après quoi « ils publièrent un jeûne public et se vêtirent de sacs depuis le plus grand jusqu’au plus petit », afin d’expier par là leurs péchés de vanité et de sensualité.

« La chose parvint jusqu’au roi ». Ces mots montrent que le mouvement de repentance avait commencé par le peuple ; ce ne fut pas la conversion du monarque qui le déclencha. Un vent de remords et de repentir passa sur la ville : humblement, les habitants reconnurent leurs fautes, et résolurent de racheter leur conduite scandaleuse par le jeûne et la pénitence. La sincérité de ce sentiment ne saurait être mise en doute, puisque Dieu en fut touché et que, plus tard, dans l’Évangile, Notre Seigneur évoquera l’exemple des Ninivites pour faire honte à ses concitoyens.

Le roi alors régnant fut vivement impressionné en apprenant ce que clamait Jonas. « Il se leva, descendit de son trône, dépouilla ses ornements royaux, se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre ». En hâte, il envoya des hérauts à travers la ville, pour publier en son nom, et avec l’approbation des principaux officiers de sa cour, car, dit Dom Calmet, dans les affaires de conséquence, il ne suffisait pas que le roi ordonnât : il fallait que les grands y concourussent ; alors les arrêts étaient irrévocables et les Ordonnances sans appel. Le roi cependant ne se contentait pas de cette pénitence spectaculaire. Il demandait aussi un sincère repentir des cœurs et un complet changement de vie. Mais il y joignait en même temps une magnifique confiance en la miséricorde infinie de Dieu, qui ne pouvait laisser insensible la tendresse du Père céleste. C’est pourquoi Dieu pardonna : Il vit leurs œuvres, dit l’Écriture. « Il vit qu’ils étaient revenus de leurs voies mauvaises, et Il se repentit du mal qu’Il avait dit qu’Il leur ferait, et Il ne le fit pas. »

Commentaire moral et mystique

La mission de Jonas à Ninive montre, contrairement à ce que pensaient les Juifs, que Dieu veut le salut de tous les hommes.

Au sens allégorique, le départ de Jonas pour la grande métropole païenne, après avoir passé trois jours dans le ventre de la baleine et en être sorti miraculeusement, représente la prédication du collège apostolique, sortant de la Judée après la mort et la résurrection du Sauveur pour commencer sa mission. La première prédication de l’Évangile, celle que le Christ accomplit par Lui-même, ne dépassa pas les frontières de la Judée. Mais ensuite, les Apôtres, ministres du Verbe – comme Jonas –, portèrent la divine parole au milieu de la Gentilité. Et leur prédication consistait à dire aussi : Encore quarante jours et Ninive sera détruite, c’est-à-dire : « Profitez du délai de la vie présente que symbolise le chiffre quarante : Dieu vous le laisse pour faire pénitence ».

Jésus, source de vie (Io 7, 37-39) : commentaire de Dom Delatte

Cet enseignement du Seigneur fut donné le dernier jour de la fête [des Tabernacles], le huitième probablement (Lv 23, 36), qui était particulièrement solennel et avait pour dessein de rappeler l’entrée dans la terre promise. Le temple de Jérusalem n’avait pas d’eau vive. Durant chacun des jours de fête, le prêtre se rendait, avec une procession nombreuse, à la piscine de Siloé, au pied de la colline d’Ophel. Il y puisait, avec une urne d’or, de l’eau qu’il reportait au temple et versait au pied de l’autel des holocaustes, tandis que les chœurs chantaient le Hallel (Psaumes 113 à 117). Ainsi, la fête des Tabernacles était une réédition symbolique de ce qui s’était passé au désert : les tentes, l’eau jaillie du rocher sous la baguette de Moïse. Peut-être l’eau avait-elle aussi une signification présente : elle devait être offerte à Dieu et obtenir sa bénédiction pour les semailles nouvelles ; mais elle avait sûrement une signification prophétique, comme nous l’apprend le Seigneur lui-même. À l’occasion d’un rite liturgique, bien connu des foules, il reprend et complète l’enseignement déjà donné à la Samaritaine. Il s’exprime d’une voix forte, afin que parvienne à tous l’invitation divine.

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, comme a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive jailliront de son sein. » Venir au Seigneur, c’est reconnaître en lui le Fils de Dieu ; avoir soif, être altéré, c’est porter en soi une âme religieuse et désireuse de justice. En attendant le rassasiement de la vision, il n’existe dans le désert de cette vie, pour nous désaltérer et apaiser notre faim, d’autre procédé que de nous attacher au Seigneur par la foi. Nous sommes des êtres pauvres, incomplets, qui ne seront achevés que par Dieu même. Notre grande misère a besoin de lui : il est le seul qui la puisse combler. La richesse de Dieu vient à propos. On y puise, dans le Christ, en croyant en lui. Est-il exact de dire qu’on y puise ? La promesse du Seigneur est plus haute. Au chapitre 47 de sa prophétie, Ezéchiel s’était plu à montrer le temple nouveau comme inondé d’eau vive, au lieu de n’être rafraîchi que par l’eau lointaine de Siloé. Le Seigneur fait allusion, soit à cette prophétie, soit à celles d’Isaïe (Is 44, 8 et Is 58, 11) ou de Zacharie (Za 14, 8), pour montrer comment et avec quelle abondance divine seront désaltérés ceux que la foi unit au Fils de Dieu. Ils portent en eux, dans leur cœur, la source même de l’eau vive, la source qui jaillit et qui coule éternellement.

Et l’évangéliste ajoute un bref commentaire. En parlant ainsi, le Seigneur signifiait l’Esprit de Dieu que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, Jésus. C’est l’Esprit-Saint qui est cette source d’eau vive, intérieure à nous ; c’est lui qui comble tous les désirs de notre cœur en nous attachant à Notre-Seigneur Jésus-Christ ; c’est lui qui verse en nous la plénitude de la vie divine. La vie surnaturelle est donc toute dans une relation au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit.

Prières

Oratio

Sanctífica, quæsumus, Dómine, nostra ieiúnia : et cunctárum nobis indulgéntiam propítius largíre culpárum. Per Dóminum.

Oraison

Nous vous en prions, Seigneur, sanctifiez nos jeûnes, et accordez-nous, dans votre bonté, le pardon de toutes nos fautes.

Oratio

Da, quæsumus, Dómine, pópulo tuo salútem mentis et córporis : ut, bonis opéribus inhæréndo, tua semper mereátur protectióne deféndi. Per Dóminum.

Oraison

Donnez, s’il vous plaît, à votre peuple, ô Seigneur, le salut de l’âme et du corps, afin qu’en s’attachant à la pratique des bonnes œuvres, il mérite d’être toujours défendu par votre protection.

Prière de Sainte Gertrude (1256-1301)

Ô Jésus, fontaine de vie, faites-moi boire de cette eau vive qui jaillit de votre cœur, afin que, vous ayant goûté, je n’aie soif que de vous durant l’éternité. Submergez-moi tout entier dans les profondeurs de votre miséricorde. Baptisez-moi dans la sainteté de votre mort précieuse. Renouvelez-moi dans votre sang par lequel vous m’avez racheté. Lavez dans l’eau qui sortit de votre saint côté toutes les taches dont j’ai souillé l’innocence de mon baptême. Remplissez-moi de votre Esprit et possédez-moi tout entier dans la pureté de l’âme et du corps.

Antienne

Ã. Qui sitit, véniat ad me, et bibat : et de ventre eius fluent aquæ vivæ.

Ã. Celui qui a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive : et des fleuves d’eau vive couleront de son sein.

Antienne grégorienne “Qui sitit”

Antienne Qui sitit

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Mercredi de la Passion

1er Dimanche de la Passion

1er Dimanche de la Passion

Le mot de Dom Delatte
Le terme de notre vie surnaturelle, ce n’est pas nous, c’est Dieu.
Sermon

Il importait que le Christ souffrît

Le Christ, souverain prêtre (Hbr 9, 11-15) : commentaire de Dom Delatte

Le Christ se présente en son heure, avec ses droits, avec autorité. Il est le pontife des biens futurs ; futurs relativement au mosaïsme à qui il succède, futurs dans une mesure, puisqu’ils ne sont pas encore pleinement révélés. Surtout il est le pontife qui entre et qui fait entrer dans un sanctuaire plus grand et plus parfait, un Saint des Saints qui n’est pas construit de mains d’homme.

Mais à quel prix est-il entré, avec quelle rançon ? Le prêtre de l’ancienne loi entrait dans son tabernacle figuratif avec le sang des boucs et des génisses : c’était normal, il y avait proportion entre ces éléments, tous figuratifs : le prêtre, l’économie, le sanctuaire, et la rançon vitale qui y donnait entrée. Mais le Fils de Dieu entre dans le sanctuaire grâce à son sang versé ; c’est par un travail personnel qu’il nous a rachetés, et achetés à lui éternellement. Son expiation et notre rédemption sont chose acquise définitivement pour l’éternité.

En vérité, dit l’Apôtre, si le sang des boucs et des génisses (Lv 16), si la cendre de la vache rousse répandue sur la tête (Nm 19), purifie le coupable de ses souillures légales et extérieures, quelle ne sera pas l’efficacité de ce sacrifice du Christ ? La victime ici est intelligente, son sacrifice est volontaire ; mieux que cela, son sacrifice est spontané, la victime est sans tache, et si l’on veut comme principe de ce sacrifice auguste quelque chose qui soit au-dessus de la volonté humaine la plus parfaite, sachons encore que c’est sous l’influence de l’esprit de Dieu et dès le soir de la Cène que le sacrifice a été offert ; et non pas seulement, comme dans le mosaïsme, par déférence à une prescription rituelle. Combien de motifs réunis pour que le sang du Christ, véhicule de sa vie, purifie non pas seulement notre corps, mais notre âme elle-même, le centre de notre vie ; qu’il ruine en nous les œuvres de péché, qu’il expie, qu’il réconcilie, qu’il scelle et consacre l’alliance nouvelle ; et, une fois purifiés, une fois réconciliés, qu’il nous fasse adorer et servir Dieu par un culte digne de lui !

Car, dans la pensée de l’Apôtre, la fin de la vie c’est d’adorer Dieu. La pureté même de la conscience et la sainteté ont pour dessein dernier et pour terme le culte que nous rendons à Dieu. On n’est pas beau pour être beau et s’arrêter là. On n’est pas pur pour être pur et n’aller pas plus loin. Toute beauté surnaturelle est ordonnée finalement à l’adoration. C’est là ce que veut le Père céleste, des adorateurs en esprit et en vérité : et notre adoration croît devant Dieu avec notre beauté et notre dignité surnaturelle. Ainsi le terme de notre vie surnaturelle, ce n’est pas nous, c’est Dieu. C’est Dieu, qui en dernière analyse recueille le bénéfice de ce que nous devenons graduellement par sa grâce et sous sa main. Dieu, en nous, travaille pour lui : pour servir le Dieu vivant. C’est la pensée du Seigneur en saint Jean à laquelle nous faisions allusion il y a un instant. C’est la pensée de saint Zacharie, lorsque dans son cantique il rappelle à Dieu sa promesse : « Afin que, sans crainte, affranchis de la main de nos ennemis, nous Le servions, avec sainteté et justice devant Lui, tous les jours de notre (vie) ». Toute notre vie, celle de l’éternité et celle du temps, est liturgique et ordonnée vers Dieu. Si nous nous appliquons au silence, au calme, à la paix, à la pureté, à l’effacement de tout, ce n’est pas pour nous y complaire, pour nous livrer à je ne sais quel dilettantisme supérieur, mais pour mieux servir, pour mieux adorer, pour mieux aimer Dieu. La pureté n’est pas la fin de notre vie surnaturelle ; elle n’est qu’un moyen pour la fin de notre vie surnaturelle ; et l’une des tentations les plus perfides et les plus redoutables se rencontre précisément dans une certaine complaisance orgueilleuse où l’on se réjouit de soi, de la vertu acquise et de son propre achèvement. Pour éviter le vertige qui précipite, c’est toujours en haut qu’il faut regarder.

Ainsi se dessinent la médiation sacerdotale et la prêtrise souveraine du Seigneur. Nous voyons bien maintenant en quoi consiste sa médiation. Nous embrassons mieux son sacrifice, et la plénitude d’efficacité qu’il implique. Nous tenons maintenant le fait nouveau qui a abrogé l’économie ancienne, pour lui substituer une dispensation de confiance et de tendresse : « vous avez reçu un Esprit d’adoption, en qui nous crions : Abba ! Père ! » (Rm 8, 15) Car c’est à raison de l’efficacité souveraine et spirituelle de son sang, que le Christ est le médiateur de la nouvelle économie : le sang des boucs et des génisses n’y pouvait rien ; le sang du Christ par son incomparable efficacité, inaugure une situation religieuse tout autre : il purifie, il réconcilie, il consacre l’alliance, il renouvelle l’homme dans la vie du Seigneur (Eph 2).

Il nous demeure ainsi trop démontré que l’Ancien Testament n’a pas conduit les hommes à l’union parfaite avec Dieu. Par les réserves mêmes et les détails de sa liturgie, la loi mosaïque, nous venons de le voir, a témoigné elle-même de son impuissance. Aussi voici venir une alliance nouvelle, où, moyennant un sacrifice et une mort volontaire, le péché est effacé, l’homme racheté de cette lourde servitude qui pesait sur lui dans l’ancienne loi ; où le Christ constitue aux mains des élus de Dieu les biens qui furent autrefois promis, mais non accordés à nos pères.

Jésus proclame sa divinité (Io 8, 47-59) : commentaire de Dom Delatte

Quis ex vobis arguet me de peccato ? Le Seigneur ne dédaigne pas de discuter encore, même avec des cœurs obstinés. Il vient de montrer de quel côté se trouvent la mort, et le mensonge, et le péché. Quel mal vous ai-je fait ? dit-il. Que pouvez-vous me reprocher ? Je vous apporte la vérité. D’où vient l’opposition qui vous raidit contre elle ? Si vous étiez de Dieu, vous reconnaîtriez la voix de Dieu, la parole et la pensée de Dieu. Mais vous n’entendez pas, parce que vous n’êtes point de Dieu, non plus que vous n’êtes fils d’Abraham.

Nous entrons dans une phase nouvelle : l’offensive violente de la part des Juifs ; ils ripostent ainsi à l’offensive du Seigneur (Io 8, 44), Le Seigneur les a excommuniés, et de Dieu, et d’Abraham : à leur tour, ils vont l’exclure de la fraternité juive. L’appréciation qu’ils portent était courante et commune parmi eux : N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain, un homme souillé, semblable à ceux à qui vous avez porté l’évangile, enfin un possédé du démon ! C’est par un pacte avec Béelzébub que vous accomplissez les œuvres surprenantes de votre vie ; et c’est sous l’influence de l’esprit impur que vous parlez, — Le Seigneur écarte doucement l’injure. Il ne se défend pas d’être Samaritain, ni ne se justifie d’avoir porté aux Samaritains la vérité ; il repousse seulement le second reproche. Non, dit-il, je n’ai point de démon, je n’appartiens pas au diable. J’honore mon Père par l’absolue et continuelle docilité de ma vie. Mais vous, vous me déshonorez, et, en ma personne, celui qui m’a envoyé. Car lorsque je vous parle de mon honneur, ce n’est pas que je cherche une gloire qui soit pour moi : il est quelqu’un qui a souci de moi, qui me défend et jugera entre nous.

Il semble ensuite que le Seigneur, devant une telle obstination, se désintéresse un instant des Juifs et revienne à ceux qui ont commencé à croire en lui, à qui il disait : Si vous demeurez dans ma parole… (Io 8, 31). Leur ayant promis la liberté, il leur promet maintenant la vie, une vie sans fin. Il emploie la formule solennelle qui, sur ses lèvres, équivaut à un serment. « En vérité, en vérité, je vous le dis : si quelqu’un garde ma parole, elle le défendra contre la mort, et à jamais. » La parole du Seigneur en nous, ce n’est pas simplement une parole déposée dans un coin de La mémoire, d’où elle n’exerce sur la vie aucune action réelle : c’est la parole vivante et efficace ; c’est la règle, la loi, l’influence divine, sans laquelle il n’existe pas pour nous de vraie liberté. Il nous faut la garder comme on veille sur un trésor, sur un bien dont on ne veut pas perdre une parcelle. Alors, nous ne connaîtrons point la mort, puisque Dieu même sera avec nous et en nous.

C’est bien, disent les Juifs, en face de cette affirmation, aussitôt interrompue que prononcée. Maintenant nous tenons la preuve que vous agissez et que vous parlez comme un fanatique, sous l’influence du démon. Le monde a connu de grands amis de Dieu : Abraham, les prophètes. Dieu ne les a pas garantis contre la mort, encore qu’ils fussent ses familiers et ses élus. Et vous venez de dire : Si quelqu’un garde ma parole, il ne mourra jamais. Vous seriez alors plus grand qu’Abraham, qui n’a pas échappé à la mort ? plus grand que les prophètes qui, à leur tour, en ont subi la loi ? Eux aussi, cependant, ont écouté la voix de Dieu : ce qui ne leur a point conféré l’immortalité. Et non seulement la mort vous épargnerait personnellement, mais vous accorderiez le même privilège à tous vos disciples ! Qui êtes-vous donc ? Prétendez-vous être plus grand que notre père Abraham, que les prophètes, que Dieu même, puisqu’il a laissé mourir ses amis ? — C’est, à propos de la mort, la même méprise qu’au sujet de la liberté.

Le Seigneur trouve d’abord, dans la question même de ses ennemis, l’occasion de renouveler l’assertion de son origine divine. À Dieu ne plaise que je me glorifie, ni que je m’élève moi-même ! La gloire que je me décernerais ne serait rien. Je suis Fils de Dieu, et n’ai d’autre gloire que celle qui me vient de lui ; en poursuivre une autre serait renoncer à cette gloire essentielle. C’est à mon Père qu’il appartient de me donner de la gloire. Mon Père est celui que vous appelez votre Dieu et dont vous vous glorifiez d’être le peuple, encore que vous ne le connaissiez pas. Je le connais, moi, et si je niais le connaître, si je me dérobais à sa pensée, si j’étais infidèle à la mission qui vient de lui, je serais semblable à vous, un menteur. Car le mensonge profond et premier, c’est d’être en désaccord avec Dieu et de se dérober à lui. Mais je connais mon Père et je garde sa parole.

Ayant ainsi écarté toute idée de vaine gloire et d’estime personnelle, le Seigneur donne satisfaction à la question des Juifs ; il omet les prophètes, dont la cause est d’ailleurs liée à celle d’Abraham, et se borne à la seule comparaison établie entre lui et le père des croyants. Même alors, il ne se dit pas formellement supérieur à Abraham ; la question de taille respective n’est pas abordée : ainsi, l’humilité garde ses droits et la divinité n’y perd rien. Abraham, que vous appelez votre père et de qui vous vous réclamez, a tressailli d’espérance à la pensée de voir mon jour, le jour de mon avènement sur terre. C’est à dater de ce jour-là, en effet, que dans son fils et selon les promesses réitérées de Dieu, toutes les nations de la terre ont été bénies, comme en germe. Et, dans les limbes, grâce à une manifestation spéciale, Abraham a contemplé le jour du Seigneur, et il a tressailli dans la joie de son avènement.

Le Seigneur a donc vu et a été vu ; il s’est donc montré au patriarche et a été le témoin de sa joie, ce qui explique l’objection du verset 57. Rien, dans cette assurance donnée par Jésus, qui ne fût d’accord avec ce qu’il avait dit de lui-même : mais comment une âme juive eut-elle pu supporter la pensée d’une telle subordination : Abraham, leur père, attendant Jésus, désirant contempler le jour de sa venue ! « Comment ! s’écrient-ils, vous n’avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ! »

Avec une solennité tranquille, Jésus répond : « Avant qu’Abraham ne reçût la vie, je suis. » C’est l’affirmation de sa préexistence éternelle et de sa divinité. Mais l’incrédulité des Juifs n’y voit qu’un blasphème. Le temple était en construction depuis quarante-six ans ; certaines portions demeuraient sans doute à l’état de chantier, encombrées de pierres et de matériaux. Aussitôt, les Juifs se mettent en devoir de lapider le blasphémateur, dans le temple même ; la fureur leur fait oublier toute loi : nul ne pouvait être frappé de mort à l’intérieur de la ville sainte, à plus forte raison dans le temple. Mais parce que l’heure n’est pas venue, le Seigneur se dérobe, comme jadis à Nazareth, et sort du temple.

Prières

Oratio

Quæsumus, omnípotens Deus, familiam tuam propítius réspice : ut, te largiénte, regátur in córpore ; et, te servánte, custodiátur in mente. Per Dóminum.

Oraison

Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, regardez vos enfants dans votre miséricorde ; accordez-leur votre grâce pour qu’ils soient gouvernés en leur corps, et veillez sur eux pour qu’ils soient gardés en leur âme.

Oraison tirée du Bréviaire Mozarabe par Dom Guéranger

Le cours du temps, ô Christ Fils de Dieu, nous a ramené les fêtes commémoratives de votre Passion. Nous commençons d’un cœur pieux à vous rendre les devoirs qui vous appartiennent, en ce temps où vous avez souffert pour nous les insultes de vos persécuteurs et enduré sur la croix les coups de vos ennemis ; nous vous en supplions, ne vous éloignez pas de nous. Aux approches de votre tribulation, personne n’était là pour vous secourir ; soyez, au contraire, notre seul soutien par le mérite de votre Passion. Ne nous livrez pas à nos ennemis pour nous perdre ; mais recevez vos serviteurs pour les sauver. Par votre puissante vertu, repoussez ces superbes qui nous calomnient, c’est-à-dire les ennemis de nos âmes ; car vous êtes, dans votre humanité, le divin flambeau placé sur le chandelier de la croix. Enflammez-nous des feux qui sont les vôtres, afin que nous ignorions ceux du châtiment. Faites part des mérites de votre Passion à ceux que vous voyez en célébrer les prémices d’un cœur pieux ; par le bienfait de votre lumière, daignez dissiper les ténèbres de nos erreurs.

Antiennes

Ã. Iudicásti, Dómine, causam ánimæ meæ, defénsor vitæ meæ, Dómine Deus meus.

Ã. Vous avez jugé, Seigneur, la cause de mon âme, défenseur de ma vie, ô Seigneur mon Dieu.

Antienne grégorienne “Iudicasti Domine”

Ã. Pópule meus, quid feci tibi, aut quid moléstus fui ? Respónde mihi.​

Ã. Mon peuple, que t’ai-je fait, ou en quoi t’ai-je molesté ? réponds-moi.

Antienne grégorienne “Popule meus”

Ã. Numquid rédditur pro bono malum, quia fodérunt fóveam ánimæ meæ ?

Ã. Est-ce qu’on rend le mal pour le bien, puisqu’ils ont creusé une fosse pour mon âme ?

Antienne grégorienne “Numquid redditur”

Antiennes Iudicasti etc

Ã. Vulpes fóveas habent et volúcres cæli nidos Fílius autem hóminis non habet ubi caput suum reclínet.

Ã. Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.

Antienne grégorienne “Vulpes foveas”

Antienne Vulpes foveas

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