Mercredi 4 novembre (ReConfinement J6) : Saint Charles Borromée

Annonces

En raison des dernières mesures prises par le gouvernement français pour « cause de pandémie », nous ne sommes plus en mesure d’assurer les Offices publiquement. Pour tout renseignement, utilisez le formulaire de contact sur cette page.

Indulgences à gagner pour les défunts pendant le mois de novembre.

La Punchline de Dom Delatte

Les biens surnaturels demeurent toujours au delà des mérites, des efforts et des exigences de toute nature créée ou créable.

Saint Charles Borromée (1538-1584) d’après l’Année liturgique de dom Guéranger

Humilitas. À sa naissance au château d’Arona (2 octobre 1538), Charles trouvait inscrit en chef de l’écu de famille ce mot couronné d’or. Parmi les pièces nombreuses du blason des Borromées, on disait de celle-ci qu’ils ne connaissaient l’humilité que dans leurs armes. Le temps était venu où l’énigmatique devise de la noble maison se justifierait dans son membre le plus illustre ; où, au faîte des grandeurs, un Borromée saurait vider de soi son cœur pour le remplir de Dieu : en sorte pourtant que, loin de renier la fierté de sa race, plus intrépide qu’aucun, cet humble éclipserait dans ses entreprises les hauts faits d’une longue suite d’aïeux. Nouvelle preuve que l’humilité ne déprime jamais. Charles atteignait à peine sa vingt-deuxième année, quand Pie IV, dont sa mère était la sœur, l’appelait au poste difficile qu’on nomme aujourd’hui la Secrétairerie d’État, et bientôt le créait cardinal, archevêque de Milan, semblait se complaire à entasser honneurs et responsabilités sur ses jeunes épaules. On était au lendemain du règne de Paul IV, si mal servi par une confiance pareille, que ses neveux, les Caraffa, y méritèrent le dernier supplice. Mais l’événement devait montrer que son doux successeur recevait en cela ses inspirations de l’Esprit-Saint, non de la chair et du sang.

Soixante ans déjà s’étaient écoulés de ce siècle de Luther qui fut si fatal au monde, et les ruines s’amoncelaient sans fin, tandis que chaque jour menaçait l’Église d’un danger nouveau. Les Protestants venaient d’imposer aux catholiques d’Allemagne le traité de Passau (1552) qui consacrait leur triomphe, et octroyait aux dissidents l’égalité avec la liberté. L’abdication de Charles-Quint découragé donnait l’empire à son frère Ferdinand (1556), tandis que l’Espagne et ses immenses domaines des deux mondes allaient à Philippe II son fils ; or Ferdinand Ier inaugurait la coutume de se passer de Rome, en ceignant le diadème mis au front de Charlemagne par saint Léon III ; et Philippe, enserrant l’Italie par la possession de Naples au Sud, du Milanais au Nord, semblait à plusieurs une menace pour l’indépendance de Rome elle-même. L’Angleterre, un instant réconciliée sous Marie Tudor, était replongée par Élisabeth dans le schisme où elle demeure jusqu’à nos jours. Des rois enfants se succédaient sur le trône de saint Louis, et la régence de Catherine de Médicis livrait la France aux guerres de religion.

Telle était la situation politique que le ministre d’État de Pie IV avait mission d’enrayer, d’utiliser au mieux des intérêts du Siège apostolique et de l’Église. Charles n’hésita pas. Appelant la foi au secours de son inexpérience, il comprit qu’au déluge d’erreurs sous lequel le monde menaçait de périr, Rome se devait avant tout d’opposer comme digue l’intégrale vérité dont elle est la gardienne ; il se dit qu’en face d’une hérésie se parant du grand nom de Réforme et déchaînant toutes les passions, l’Église, qui sans cesse renouvelle sa jeunesse, aurait beau jeu de prendre occasion de l’attaque pour fortifier sa discipline, élever les mœurs de ses fils, manifester à tous les yeux son indéfectible sainteté. C’était la pensée qui déjà, sous Paul III et Jules III, avait amené la convocation du concile de Trente (22 mai 1542), inspiré ses décrets de définitions dogmatiques et de réformation. Mais le concile, deux fois interrompu, n’avait point achevé son œuvre, qui restait contestée. Depuis huit ans qu’elle demeurait suspendue, les difficultés d’une reprise ne faisaient que s’accroître, en raison des prétentions discordantes qu’affichaient à son sujet les princes. Tous les efforts du cardinal neveu se tournèrent à vaincre l’obstacle. Il y consacra ses jours et ses nuits, pénétrant de ses vues le Pontife suprême, inspirant son zèle aux nonces accrédités près des cours, rivalisant d’habileté autant que de fermeté avec les diplomates de carrière pour triompher des préjugés ou du mauvais vouloir des rois. Et quand, après deux ans donnés à ces négociations épineuses, les Pères de Trente se réunirent enfin, Charles apparut comme la providence et l’ange tutélaire de l’auguste assemblée ; elle lui dut son organisation matérielle, sa sécurité politique, la pleine indépendance de ses délibérations, leur continuité désormais ininterrompue. Retenu à Rome, il est l’intermédiaire du Pape et du concile. La confiance des légats présidents lui est vite acquise ; les archives pontificales en gardent la preuve : c’est à lui qu’ils recourent journellement, dans leurs sollicitudes et parfois leurs angoisses, comme au meilleur conseil, à l’appui le plus sûr.

Le Sage disait de la Sagesse : « À cause d’elle, ma jeunesse sera honorée des vieillards ; les princes admireront mes avis : si je me tais, ils attendront que je parle ; quand j’ouvrirai la bouche, ils m’écouteront attentifs, les mains sur leurs lèvres » (Sap 8, 10-12). Ainsi en fut-il de Charles Borromée, à ce moment critique de l’histoire du monde ; et l’on comprend que la Sagesse divine qu’il écoutait si docilement, qui l’inspirait si pleinement, ait rendu son nom immortel dans la mémoire reconnaissante des peuples.

C’est de ce concile de Trente dont l’achèvement lui est dû, que Bossuet reconnaît, en sa Défense de la trop fameuse Déclaration, qu’il ramena l’Église à la pureté de ses origines autant que le permettait l’iniquité des temps. Écoutons ce qu’à l’heure où les assises œcuméniques du Vatican venaient de s’ouvrir (1869), l’évêque de Poitiers, le futur cardinal Pie, disait « de ce concile de Trente, qui, à meilleur titre que celui même de Nicée, a mérité d’être appelé le grand concile ; de ce concile dont il est juste d’affirmer que, depuis la création du monde, aucune assemblée d’hommes n’a réussi à introduire parmi les hommes une aussi grande perfection ; de ce concile dont on a pu dire que, comme un arbre de vie, il a pour toujours rendu à l’Église la vigueur de sa jeunesse. Plus de trois siècles se sont écoulés depuis qu’il termina ses travaux, et sa vertu curative et fortifiante n’a point cessé de se faire sentir ».

« Le concile de Trente est demeuré comme en permanence dans l’Église au moyen des congrégations romaines chargées d’en perpétuer l’application, ainsi que de procurer l’obéissance aux constitutions pontificales qui l’ont suivi et complété». Charles inspira les mesures adoptées dans ce but par Pie IV, et au développement desquelles les Pontifes qui suivirent attachèrent leurs noms. La révision des livres liturgiques, la rédaction du Catéchisme romain l’eurent pour promoteur. Avant tout, et sur toutes choses, il fut l’exemplaire vivant de la discipline renouvelée, acquérant ainsi le droit de s’en montrer envers et contre tous l’infatigable zélateur. Rome, initiée par lui à la réforme salutaire où il convenait qu’elle précédât l’armée entière des chrétiens, se transforma en quelques mois. Les trois églises dédiées à saint Charles en ses murs, les nombreux autels qui portent son nom dans les autres sanctuaires de la cité reine, témoignent de la gratitude persévérante qu’elle lui a vouée.

Son administration cependant et son séjour n’y dépassèrent pas les six années du pontificat de Pie IV. À la mort de celui-ci (9 décembre 1565), malgré les instances de saint Pie V, qu’il contribua plus que personne à lui donner pour successeur, Charles quitta Rome pour Milan où l’appelait son titre d’archevêque de cette ville. Depuis près d’un siècle, la grande cité lombarde ne connaissait guère que de nom ses pasteurs, et cet abandon l’avait, comme tant d’autres en ces temps, livrée au loup qui ravit et disperse le troupeau. Notre Saint comprenait autrement le devoir de la charge des âmes. Il s’y donnera tout entier, sans ménagement de lui-même, sans nul souci des jugements humains, sans crainte des puissants. Traiter dans l’esprit de Jésus-Christ les intérêts de Jésus-Christ sera sa maxime, son programme : les ordonnances édictées à Trente. L’épiscopat de saint Charles fut la mise en action du grand concile ; il resta comme sa forme vécue, son modèle d’application pratique en toute Église, la preuve aussi de son efficacité , la démonstration effective qu’il suffisait à toute réforme, qu’il pouvait sanctifier à lui seul pasteur et troupeau.

Nous eussions voulu donner mieux qu’un souvenir à ces Acta Ecclesiae Mediolanensis, pieusement rassemblés par des mains fidèles, et où notre Saint paraît si grand ! C’est là qu’à la suite des six conciles de sa province et des onze synodes diocésains qu’il présida, se déroule l’inépuisable série des mandements généraux ou spéciaux que lui dicta son zèle ; lettres pastorales, où brille le Mémorial sublime qui suivit la peste de Milan ; instructions sur la sainte Liturgie, la tenue des Églises, la prédication, l’administration des divers Sacrements, et entre lesquelles se détache l’instruction célèbre aux Confesseurs ; ordonnances concernant le for archiépiscopal, la chancellerie, les visites canoniques ; règlements pour la famille domestique de l’archevêque et ses vicaires ou officiers de tous rangs, pour les prêtres des paroisses et leurs réunions dans les conférences dont il introduisit l’usage, pour les Oblats qu’il avait fondés, les séminaires, les écoles, les confréries ; édits et décrets, tableaux enfin et formulaire universels. Véritable encyclopédie pastorale, dont l’ampleur grandiose ne laisse guère soupçonner la brièveté de cette existence terminée à quarante-six ans (3 novembre 1584), ni les épreuves et les combats qui, semble-t-il, auraient dû l’absorber tout entière.

La Parabole des talents (Mt 25, 14-30) : commentaire de Dom Paul Delatte

Nous croyons devoir distinguer cette parabole d’une autre rapportée par saint Luc au chapitre 19 (11-27) : malgré la ressemblance de dessin, les différences sont assez notables. Ici, la pensée du Seigneur est de donner à tous, et en vue du jugement, une leçon nouvelle de vigilance active et empressée. À quoi comparer encore le Royaume des cieux ? À un homme qui, partant en voyage, appelle ses serviteurs et leur distribue ses biens, — non pour qu’ils les détiennent comme leur propriété, mais, nous le verrons, pour qu’ils les fassent fructifier. À l’un il donna cinq talents [unité monétaire équivalente à 25-26 kg d’argent, donc 5 talents = 125-130kg d’argent, au cours actuel cela revient à environ 83000 euros], deux à un autre, un seul au troisième : à chacun selon son aptitude et sa valeur personnelle ; — encore un trait auquel nous ferons bien de ne pas chercher un correspondant rigoureux dans la réalité surnaturelle, unusquisque secundum propriam virtutem [chacun selon ses propres capacités] est pleinement justifié, dans l’ordre humain, par la simple prudence : un commanditaire suppute les aptitudes de celui à qui il confie son bien. Mais Dieu ne suppose rien d’antérieur à son action ; les biens surnaturels demeurent toujours au delà des mérites, des efforts et des exigences de toute nature créée ou créable. La répartition de sa fortune sagement accomplie, le maître s’éloigne. Sans perdre un instant, le serviteur qui avait reçu cinq talents s’en alla les faire valoir ; et il en gagna cinq autres. De même, celui qui en avait reçu deux doubla la mise de son maître. Quant au troisième, il se borna à creuser un trou dans la terre et à y enfouir son unique talent.

Longtemps après, le maître revient exiger des comptes. Chacun comparaît devant lui. Le premier s’avance et dit : « Seigneur, vous m’aviez donné cinq talents ; voici, j’en ai gagné cinq autres. — C’est bien, bon et fidèle serviteur, répond le maître ; vous avez été fidèle en de petites choses, je vous établirai sur de plus grandes : entrez dans la joie de votre seigneur ». Ici, la parabole est transparente. Ce n’est plus un maître ordinaire qui parle : intra in gaudium domini tui. Il n’y a pas de joie pour ce serviteur en dehors de celle de son maître ; que ferions-nous d’un bonheur personnel ? Ce qui nous fera heureux, c’est la béatitude même de notre Dieu. Et pour cinq talents ! Combien de fois ne donnerions-nous pas notre vie pour entendre un jour ces paroles-là, des lèvres de notre Dieu !

L’homme aux deux talents s’approcha lui aussi et dit : « Seigneur, vous m’aviez donné deux talents : j’en ai gagné deux autres ». Mêmes félicitations du maître, même invitation, même récompense : « Entrez dans la joie de votre seigneur ». Mais bientôt la scène change. Voici venir celui à qui l’on a remis un talent. Il a le verbe impertinent des mauvais serviteurs : il plaide ce qu’il estime son droit. On lui a confié un talent, il rend intact le talent confié : qui pourra se plaindre ? Il n’a pas volé son maître. Il ne l’a certainement pas aimé non plus. Écoutons le motif qui l’a déterminé à ne rien faire : « Seigneur, je me suis souvenu que vous êtes exigeant, de nature austère, prétendant moissonner là où vous n’avez pas semé, recueillir là où vous n’avez pas donné. Alors, j’ai redouté de perdre votre talent dans des transactions maladroites ; je suis allé le cacher dans le sol. Le voici. Reprenez ce qui est à vous ».

Écoutons le jugement. Simplement parce que la vie du serviteur paresseux a été stérile, il est condamné. Je vous prends au mot, lui dit son maître. Vous saviez, dites-vous, que je moissonne là où je n’ai pas semé et que je recueille là où je n’ai rien donné ? Ce devait être pour vous un motif de travailler avec plus de courage. N’étiez-vous pas provoqué au travail et par le bienfait premier et par la crainte de mes exigences ? Vous auriez porté mon argent aux banquiers, il eût fructifié. À mon retour, je l’aurais retrouvé, en effet, mais grossi d’un intérêt. Car le maître revendique ses droits sur le capital comme sur le revenu. Enlevez-lui donc le talent, est-il dit aux serviteurs présents, et donnez-le à celui qui en a déjà dix. Car à quiconque possède, on donnera encore, jusqu’à surabondance ; mais à celui qui n’a pas on enlèvera même ce qu’il a, ce qu’il a possédé inutilement. — On peut donc posséder les biens de Dieu et les laisser sans fruit. Dès lors, il ne sert de rien de les avoir détenus : on n’y gagne qu’un surcroît de responsabilité devant Dieu. Mieux vaudrait n’avoir rien reçu ! Le serviteur inutile est traité comme un homme infidèle : après la dégradation et le dépouillement, il est expulsé et livré à la justice. Il n’a plus de titre à demeurer dans la maison, à faire partie de la famille. « Jetez-le, dit le maître, dans les ténèbres du dehors, là où il y aura des pleurs et des grincements de dents ! » Ici encore le voile de la parabole s’efface devant la grande réalité du jugement divin.

Prières

Oratio

Ecclésiam tuam, Dómine, sancti Caróli Confessóris tui atque Pontíficis contínua protectióne custódi : ut, sicut illum pastorális sollicitúdo gloriósum réddidit ; ita nos eius intercéssio in tuo semper fáciat amóre fervéntes. Per Dóminum.

Oraison

Daignez, Seigneur, garder continuellement votre Église sous la protection de saint Charles, votre Pontife et Confesseur ; et comme sa sollicitude pastorale l’a rendu glorieux, que son intercession nous obtienne d’être toujours fervents dans votre amour.

Prière de Saint Charles Borromée (1538-1584)

Au nom de la Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, moi, infortuné et misérable pécheur, je proteste, en votre présence, ô Saint Ange de Dieu, mon fidèle gardien : que je veux mourir en la seule vraie Foi que tient et enseigne la Sainte Église Catholique, Apostolique, Romaine, dans laquelle sont morts tous les Saints, et hors de laquelle il n’y a point de salut. Je proteste encore, ô mon saint Ange, qu’aidé et soutenu de votre protection, je veux sortir de cette vie animé d’une grande confiance en la miséricorde de Dieu. Pareillement, ô bienheureux Ange, que j’ai un grand désir, malgré l’énormité de mes crimes, de participer aux mérites infinis de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la tendresse et la miséricorde ne rebutent jamais personne. Enfin, ô mon très cher et très sage gardien, je proteste que je vous constitue l’exécuteur de ma dernière volonté. Obtenez-moi, je vous prie, de mon Dieu, ces trois dernières grâces : la première, que je ne sorte pas de cette vie sans avoir reçu dignement les sacrements de l’Église ; la seconde, que Notre-Seigneur Jésus-Christ daigne alors adoucir et calmer les douleurs de mon âme, par une de ces larmes, par un de ces soupirs qu’il a laissé échapper sur la croix ; et que sa très douce Mère, abaissant sur moi un de ces tendres regards qu’elle porta du pied de la croix sur son divin Fils expirant, daigne m’admettre au nombre de ceux qui, sous sa protection, obtiennent l’éternelle récompense au jour de la justice ; la troisième enfin, est que vous, mon saint Ange et fidèle gardien, vous daigniez me secourir à cette dernière heure où mon âme se séparera de son corps, et que vous lui rendiez favorable Jésus-Christ mon juge, dont le cœur était embrasé sur la croix d’un si ardent désir pour le salut des pauvres pécheurs. Regardez donc mon âme comme vous étant toute confiée, ô mon très tendre gardien; et au sortir de la prison de son corps, daignez la remettre entre les mains de son créateur et rédempteur, afin qu’avec vous et avec tous les Saints du ciel, elle puisse jouir de sa présence, l’aimer parfaitement et le posséder pleinement pendant toute l’éternité. Ainsi soit-il.

Antienne

Ã. Euge serve bone et fidelis, quia in pauca fuisti fidelis, super multa te constituam, dicit Dominus.

Ã. Bravo, serviteur bon et fidèle, puisqu’en peu de choses tu as été fidèle, je t’en confierai beaucoup, dit le Seigneur.

Antienne grégorienne “Euge serve bone et fidelis”

Antienne Euge serve bone et fidelis