Dimanche 8 novembre (ReConfinement J10) : 23ème dim. après la Pentecôte

La Punchline du Père Garrigou-Lagrange

Fidélité quotidienne et abandon confiant à la Providence divine donnent à la vie spirituelle son équilibre, sa stabilité, son harmonie.

Sermon

Lutte contre le péché et pratique des vertus

Deux miracles de Jésus (Mt 9, 18-26) : commentaire de Dom Paul Delatte

Le Seigneur marchait au bord de la mer de Galilée, lorsque survint Jaïre, l’un des chefs de la synagogue,— peut-être celle de Capharnaüm. On appelait chefs de la synagogue les personnages plus considérés à qui était confié le soin de l’administrer et d’y présider aux réunions liturgiques. Cela n’entraînait d’ailleurs aucune fonction sacerdotale. Jaïre reconnaît sans peine le Seigneur, se prosterne à ses pieds, et le supplie avec instance de vouloir bien se rendre dans sa maison : « Seigneur, disait-il, ma petite fille, — elle avait douze ans environ, —ma fille unique, est à l’extrémité ; mais venez, imposez-lui les mains, afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive ! » Sans trop solliciter les paroles évangéliques, soulignons certains détails qui sembleraient indiquer, chez ce prince de la synagogue, une foi moins parfaite que celle du centurion. Il fait entendre mille supplications, ce qui s’explique, puisqu’il s’agit d’une enfant aimée ; mais enfin il est permis de reconnaître que, dans l’évangile, les formules les plus authentiques de la prière sont conçues habituellement d’une façon plus sobre : Vinum non habent ; — Domine, ecce quem amas infirmatur : un simple exposé tranquille et confiant. Jaïre ne paraît pas croire à l’action à distance ; pour lui, les guérisons ne se font que par application immédiate du charme ou du remède divin ; et alors que le centurion se proclamait indigne de recevoir le Seigneur dans sa maison, il veut, lui, que le Seigneur vienne : il ne sera rassuré qu’à cette condition. On peut bien supposer aussi que Jaïre montrait un empressement exigeant et fébrile, et qu’il comptait avec anxiété les moments de retard. Le Seigneur condescend néanmoins et le suit, sauf à mettre à l’épreuve, en cours de route, sa patience et sa foi. Car la multitude, toujours insatiable de miracles, se met à la suite du groupe des apôtres ; elle presse le Seigneur de toutes parts et retarde sa marche. Et voici qu’un incident se produit, qui arrête tout le cortège.

Guérison de l’hémorrhoïsse

Dans la foule se trouvait une femme qui, depuis douze ans, — l’âge de la petite malade, — souffrait d’une perte de sang. Nombre de médecins s’étaient occupés d’elle, lui avaient fait dépenser tout son bien, l’avaient fait beaucoup souffrir : comme tant d’autres, elle n’avait ressenti aucune amélioration des traitements variés et contradictoires ; même, elle se trouvait plus mal qu’au commencement ! Elle avait entendu parler de Jésus. Dieu lui avait inspiré une grande foi. Perdue dans la foule, elle suivait le Seigneur, et se tenait derrière lui, de manière à n’être pas même aperçue. Et sans oser prétendre, comme Jaïre, à une visite et à l’imposition des mains du Seigneur, elle se disait humblement, respectueusement : « Si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie. » Elle parvint jusqu’à Jésus et toucha la frange de son manteau. À l’instant même elle se sentit exaucée et tressaillit dans sa santé reconquise. Le Seigneur n’accomplissait pas de miracles inconscients ; il n’ignorait pas comment il venait de guérir cette femme, dont il avait lui-même provoqué la confiance : mais il tient à recueillir son témoignage, il veut qu’elle rende gloire à Dieu, qu’elle soit félicitée de son humble foi, peut-être aussi qu’elle soit une leçon pour Jaïre et pour les apôtres. Il s’arrête donc et institue une sorte d’enquête aimable.

Il connut aussitôt en lui-même, dit saint Marc, la vertu qui était sortie de lui ; et s’adressant à ceux qui l’entouraient, il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » Saint Pierre et les disciples ne manquent pas de lui faire observer combien une telle question est étonnante : « Maître, vous voyez la foule vous presser, vous serrer de toutes parts, et vous demandez : Qui m’a touché ? » Chacun, en effet, note saint Luc, se défendait d’avoir touché le Seigneur d’une façon spéciale. Mais Jésus insistait : « Quelqu’un m’a touché : car j’ai eu conscience qu’une vertu était sortie de moi. » Et il regardait autour de lui, avec une feinte indécision, afin de reconnaître « celle » qui avait fait cela. Oui, tout le monde avait touché le Seigneur, matériellement : en réalité, une seule personne l’avait touché avec vénération, avec désir. La femme en avait bien conscience, elle, sachant parfaitement ce qui s’était accompli en elle. Peut-être, après son pieux délit, car son cas constituait une impureté légale, chez les Juifs (Lv 15, 25), peut-être avait-elle reculé un peu, afin de laisser à d’autres le premier rang : elle aurait voulu se dissimuler encore, mais le regard du Seigneur pesait sur elle. Se voyant découverte, elle vint, effrayée et tremblante de joie, tomber aux pieds du Seigneur ; et, devant le peuple entier, elle avoua toute la vérité. Et Jésus mit fin à la scène en lui disant : « Rassurez-vous, ma fille : votre foi vous a sauvée. Allez, demeurez en paix, et soyez guérie à jamais de votre mal. » Et depuis lors, en effet, la guérison fut complète.

Résurrection de la fille de Jaïre

L’inquiétude du chef de la synagogue augmentait à chaque minute, à chaque délai. Et le Seigneur finissait à peine de parler à l’hémorrhoïsse que l’on vint, de chez Jaïre, lui annoncer que c’était fini, qu’il était trop tard : « Votre fille est morte. À quoi bon importuner davantage le Maître ? » Au cœur du père, il restait une lueur pourtant, et il semble, d’après l’évangile, que sa prière continuât malgré tout. Le Seigneur eut pitié de ce chagrin ; il aida, d’une parole, la foi vacillante de Jaïre : « Ne craignez pas ; croyez seulement, et votre fille sera sauvée. » Venant après la récompense qu’avait obtenue la foi de l’hémorrhoïsse, cette parole n’était-elle pas mieux qu’un encouragement, presque une assurance ? On arrive enfin à la maison.

De tous ceux qui l’accompagnent et des apôtres eux-mêmes, le Seigneur ne prend avec lui que Pierre, Jacques et Jean, le frère de Jacques. Dans le vestibule et les premiers appartements, de la foule encore, des gens qui pleurent et poussent de grands cris, des joueurs de flûte : tout l’appareil tumultueux du deuil antique. « Pourquoi ce bruit et ces pleurs ? dit Jésus en entrant. Retirez-vous ! L’enfant n’est pas morte, elle dort. » Cette remarque était vraie, puisque le Seigneur allait réveiller la fille de Jaïre. Elle était faite d’un ton rapide, avec mystère, peut-être pour prévenir une poussée bruyante de la foule. Mais avant le miracle, pour des gens qui avaient été convoqués autour d’une mort trop réelle et trop constatée, la réflexion, sur les lèvres d’un homme qui survenait à l’improviste, prêtait au sourire. Les moqueries s’élevèrent. Le Seigneur ne s’en émut pas. Accompagné seulement du père et de la mère, ainsi que des trois disciples, il pénétra dans la chambre où était l’enfant. Et lui prenant la main, il dit : « Talitha, koumi ! » Saint Marc a tenu à reproduire la formule araméenne dont le Seigneur s’est servi ; elle signifie, ajoute-t-il pour ses lecteurs grecs : « Petite , levez-vous ! » Aussitôt , l’esprit revint en elle, elle se leva, et se mit à marcher : afin de fournir à son père et à sa mère une preuve surabondante de sa vie, afin de montrer comment le Seigneur l’avait guérie à la fois et de la mort et de toute faiblesse.

Les parents étaient hors d’eux-mêmes et saisis d’une grande stupeur, qui sans doute fit place aussitôt à des transports de joie et de reconnaissance. Mais le Seigneur écarta les remerciements en prenant la physionomie d’un bon médecin, qui songe à tout : « Votre enfant a faim, donnez-lui à manger. » Et il leur recommanda avec force de ne raconter à personne comment les choses s’étaient passées : c’est la prescription ordinaire, au cours du ministère galiléen ; c’est en même temps l’invitation à ne point faire de cette grande grâce la matière de vains bavardages. Mais il était difficile que le Seigneur fût pleinement obéi : ceux qui avaient vu l’enfant morte la contemplaient maintenant pleine de vie. Aussi, comme l’a noté saint Matthieu, le bruit de cette résurrection se répandit-il dans toute la contrée.

Prières

Oratio

Absólve, quæsumus, Dómine, tuórum delícta populórum : ut a peccatórum néxibus, quæ pro nostra fragilitáte contráximus, tua benignitáte liberémur. Per Dóminum nostrum.

Oraison

Pardonnez, nous vous en supplions, Seigneur, les offenses de vos peuples ; afin que, par votre bonté, nous soyons délivrés des liens des péchés que notre fragilité nous a fait commettre. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Prière de Dom Vital Lehodey (1857-1948)

Ô mon Dieu, je ne veux que vous plaire ; je désire le don d’oraison, l’esprit de mortification, toutes les vertus ; je vous les demande avec instance, et je vais travailler sans relâche à les acquérir. Cependant, vos adorables volontés seront constamment la règle de mes désirs même les plus légitimes et les plus saints. J’ai ma sanctification à cœur, autant que vous la voulez de moi, mais seulement dans la mesure, la forme et le temps qui vous conviennent. Je consens à être privé, autant qu’il vous agréera, de savoir s’il vous a plu de m’accorder ces grâces et cet avancement ; car je suis si misérable, que tout bien connu se tourne pour moi en poison, et que ces maudites complaisances d’amour-propre viennent souiller la pureté de mes œuvres presque à mon insu et malgré moi. Ainsi, mon Dieu, c’est moi-même qui vous lie les mains, et qui vous oblige à me cacher, par bonté, les grâces que votre Miséricorde vous porte à me faire. Ainsi soit-il.

Antiennes

Ã. Loquénte Iesu ad turbas, ecce, princeps unus accéssit et adorábat eum, dicens : Dómine, fília mea modo defúncta est : sed veni, impóne manum tuam super eam, et vivet.

Ã. Comme Jésus parlait à la foule, un chef de synagogue s’approcha, et se prosterna devant lui, en disant : Seigneur, ma fille est morte il y a un instant ; mais venez, imposez votre main sur elle, et elle vivra.

Antienne grégorienne “Loquente Iesu ad turbas”

Ã. Si tetígero fímbriam vestiménti eius, salva esse pótero ab infirmitáte mea.

Ã. Si je touche la frange de son vêtement, je pourrai être soignée de mon infirmité.

Antienne grégorienne “Si tetigero”

Antiennes