Dimanche 15 novembre (ReConfinement J17) : 24ème dim. après la Pentecôte

La Punchline du Père Garrigou-Lagrange

Dieu nous aime beaucoup plus que nous ne pensons, surtout à ces heures d’épreuve, où il semble nous abandonner, et où il nous accorde ses grâces les plus précieuses, les plus profondes et les plus vivifiantes.

Deux paraboles de Jésus (Mt 13, 31-35) : commentaire de Dom Paul Delatte

Le grain de sénevé

La comparaison de la semence est si heureuse et si riche d’harmonies secrètes que le Seigneur ne croit pas l’avoir épuisée encore ; et après avoir feint de chercher ailleurs un symbole nouveau du Royaume de Dieu, il revient à son idée première. « Comment figurerons-nous, se demande-t-il, le Royaume de Dieu ? En quelle parabole le transposerons-nous ? Comparons-le au grain de sénevé qu’un homme prend et sème dans son jardin ou dans son champ. » Cette parabole nouvelle a pour dessein de marquer le contraste qui existe entre les commencements de l’Église et les splendeurs de son entier développement ; et aussi, entre les débuts de la vie surnaturelle chez chaque chrétien et son entier épanouissement. De ce contraste, une leçon se dégage, celle-là même que l’Apôtre aura pour mission spéciale de formuler : à savoir que l’action de l’homme s’est révélée impuissante, que le salut, que la refonte de l’humanité entière sont l’œuvre et la création de Dieu : « Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ » (Eph 2, 10). Qu’est-ce, à l’origine, que la vie surnaturelle en nous ? Une parole, un exemple, une lumière rapide et soudaine, une direction dans laquelle nous avons été engagés à notre insu. L’événement était chétif et insignifiant en apparence. Et pourtant, voici que, peu à peu, tout dans notre vie vient ressortir à ce punctum saliens ; voici qu’une préparation silencieuse amène aux pieds de Dieu toutes nos activités, même les plus soudaines et les plus rebelles. Et le phénomène qui s’accomplit en notre existence individuelle se répète dans l’humanité. Qu’est-ce, à l’origine, que l’Église ? Une pauvre crèche, une maison de Nazareth, une prédication simple et contestée, douze pêcheurs, cent vingt personnes réunies dans le Cénacle et priant ensemble. C’est quelque chose de tout petit, un grain de sénevé, la plus menue des semences qu’un cultivateur puisse jeter en terre. Mais voici que le grain de sénevé monte, monte ; il dépasse, et de beaucoup, tout ce qui croît dans le jardin ; il devient un arbre et pousse de grands rameaux, en sorte que sous son ombre et sur ses branches les oiseaux du ciel viennent chercher leur repos et leur demeure.

Les doctrines des philosophes et des sages de ce monde se présentent sous d’autres dehors que le grain de sénevé évangélique. Elles sont de belle apparence, elles sont travaillées, soignées, elles sont le fruit de longues et ingénieuses réflexions. Regardons de près : elles sont tout en broussailles. Chacune d’elles bénéficie de sa nouveauté : mais aucune ne dépasse la hauteur de l’homme. On les compare, car elles sont toutes de même taille. Elles ne sauraient grandir ni étendre leurs rameaux : l’humanité n’y trouvera jamais un abri. Inintelligibles à la foule, qu’elles n’atteignent pas, elles ne sont que l’amusement de quelques rêveurs, le charme d’un dilettantisme prétentieux. Elles demeurent d’ailleurs totalement infructueuses pour le bien. Encore si elles n’étaient qu’infécondes ! Mais le plus souvent elles découragent l’intelligence, obscurcissent le réel et dissolvent la volonté. N’est-ce pas l’histoire de tous les âges ? — Après avoir appliqué la parabole du semeur à l’époque du Seigneur et aux temps apostoliques, celle de l’ivraie à l’époque des hérésies premières : Judaïsme, Gnosticisme, Manichéisme, peut-être pourrions-nous rapporter la parabole du grain de sénevé à l’époque de la paix de l’Église et de sa diffusion par le monde. Il va de soi que nous n’attachons à ces rapprochements qu’une valeur toute relative et de résultat, non d’intention formelle chez le Seigneur.

Le levain dans la pâte

« À quoi comparerai-je le Royaume de Dieu? disait encore Jésus. Il est semblable au levain que prend une femme pour le mêler à trois mesures de farine, jusqu’à ce que la pâte entière soit levée. » Il semble qu’une parabole achève le dessin d’une autre parabole. Tous les phénomènes de germination que décrivaient les premières laissaient dans l’ombre deux éléments : la transformation, et la transformation de tout l’ensemble. Ils sont fournis maintenant par cette parabole du levain, empruntée d’ailleurs, elle aussi, à un phénomène vital. La foi n’est pas un système philosophique, une tentative d’explication des choses : on a dit, et quelquefois dans un sens très inexact et qui prétendait éliminer la doctrine : la foi, c’est une vie. Oui, c’est réellement une vie, mais transformée par le ferment de la doctrine, pénétrée par cet élément actif et assimilateur. La vie chrétienne ne saurait se constituer en dehors de la théologie ; son progrès est en proportion de l’œuvre de notre intelligence surnaturelle. Que signifient les trois mesures où la femme cache son levain ? Nombre de commentateurs répondent : le corps, l’esprit, l’âme, selon l’enseignement de l’Apôtre (1 Th 5, 23) ; mais on pourrait tout aussi bien supposer que les sata tria sont l’intelligence, la volonté, et toute l’activité, intérieure et extérieure, guidée par elles : c’est la triple région que doit pénétrer, élargir, vivifier le ferment divin. Si on entend la parabole au point de vue, non plus individuel, mais social, on peut, si l’on veut, y voir les trois races qui se partagent le monde. Mais toutes ces interprétations ont peu d’importance, puisque les trois mesures formaient simplement la quantité normale et ordinaire de pâte ou de farine préparée pour une cuisson (Gn 18, 6). Et l’intention première de la parabole du levain est de décrire le développement du christianisme, l’épanouissement du Royaume de Dieu : l’humble parole évangélique aboutissant à changer la face de la terre.

Les paraboles

C’est ainsi, concluent les évangélistes, que le Seigneur exposait aux foules la parole de Dieu. Pendant toute cette période, il ne s’adressait à elles que sous cette forme parabolique, la seule qui fût alors à leur portée. Il réalisait ainsi le programme qu’avait dessiné l’auteur inspiré du Psaume 77, Asaph, figure de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « J’ouvrirai la bouche pour parler en paraboles, je révélerai des choses cachées depuis la formation du monde, » des vérités que l’homme n’a jamais entendues. On peut se demander comment le Psalmiste se propose de formuler une doctrine mystérieuse et des vérités au sens profond, alors qu’en réalité il n’est question, dans tout son poème, que de l’histoire d’Israël « depuis l’origine », c’est-à-dire depuis la sortie d’Égypte jusqu’au règne de David. Mais il faut se souvenir que, selon la doctrine de saint Paul (1 Cor 10, 11), toute la vie du peuple juif est une parabole en action, dont la vie chrétienne doit recueillir le sens et le fruit.

Les évangélistes ont fait un choix parmi les paraboles du Seigneur, et saint Marc nous dit positivement que le Maître en a prononcé beaucoup d’autres analogues. Elles ont toutes un rapport commun au Royaume de Dieu. Mais il est assez vraisemblable que celles-là mêmes qui sont groupées ici, chez saint Marc et surtout chez saint Matthieu, ont été dites en divers temps, selon les circonstances et lorsque le thème de la parabole se présentait au Seigneur et aux foules. En effet, énoncer tout d’un trait cinq ou six paraboles eût-il été un procédé d’enseignement bien efficace ? Il est vrai que la foule comprenait peu ou point, à raison de ses dispositions fâcheuses, et qu’aux disciples eux-mêmes le Seigneur devait, en particulier, expliquer à fond toutes choses. — Il semble que les trois paraboles qui, dans saint Matthieu, suivent immédiatement l’explication de la parabole de l’ivraie, ont été prononcées devant les disciples seulement. Elles n’appartiennent qu’au premier évangéliste. Leur dessein est encore de substituer à l’essai de théocratie appliqué dans l’histoire juive un concept plus élevé du Règne de Dieu.

Saint Albert le Grand, évêque et docteur de l’Église 

« Il fut nommé à juste titre un pacificateur »

Saint Albert, le saint allemand, « la lumière de l’Allemagne », surnommé le Grand à cause de sa science éminente, naquit à Lauingen, sur le Danube, de la noble famille des Bollstädt. Il fit ses études à Padoue, où l’influence du Bienheureux Jourdain, second général de l’Ordre des Dominicains, le décida à entrer dans cet Ordre des Frères Prêcheurs, récemment fondé. Bientôt il fut envoyé en Allemagne, où il exerça le professorat dans différentes villes, spécialement à Cologne ; c’est là qu’il eut pour élève saint Thomas d’Aquin. Il reçut à Paris, en 1240, le grade de maître en théologie. Il y avait grande affluence à ses cours. En 1254, il fut élu provincial de son Ordre pour l’Allemagne. Il séjourna longtemps à la cour du pape Alexandre Il, qui le nomma, en 1259, évêque de Ratisbonne ; mais il revint, en 1263, à Cologne pour reprendre en main la direction de son Ordre, œuvre qui fut couronnée du plus grand succès. Son action comme conseiller, comme pacificateur et comme directeur spirituel reçut d’abondantes bénédictions de Dieu. Il mourut à Cologne le 15 novembre 1280. Le 16 décembre 1931, le pape Pie XI l’a mis au nombre des saints et élevé au rang de docteur de l’Église. Le grand œuvre de sa vie fut sa production littéraire qui remplit 21 volumes. Ce sont, pour une part importante, des commentaires d’Aristote, qui fut ainsi révélé à l’Occident, et de la Sainte Écriture. La légende raconte qu’Albert le Grand aurait jeté les plans de la cathédrale de Cologne ; ce n’est certainement pas exact. En réalité, il a jeté les plans d’une nouvelle et puissante cathédrale, « de la nouvelle cathédrale de la philosophie chrétienne, élevée sur les fondations et sur les piliers de la pensée et de la conception aristotélicienne, que le disciple de saint Albert, saint Thomas d’Aquin, a achevée » (Söhngen).

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Prières

Oratio

Præsta, quæsumus, omnípotens Deus : ut, semper rationabília meditántes, quæ tibi sunt plácita, et dictis exsequámur et factis. Per Dóminum.

Oraison

Nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, faites que méditant toujours les vérités que vous avez proposées à notre intelligence, nous recherchions dans nos paroles et accomplissions dans nos actes ce qui vous est agréable. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Oratio

Deus, qui beátum Albértum Pontíficem tuum atque Doctórem in humána sapiéntia divínæ fídei subiiciénda magnum effecísti : da nobis, quæsumus ; ita eius magistérii inhærére vestígiis, ut luce perfécta fruámur in cælis. Per Dóminum.

Oraison

Ô Dieu, vous avez donné au bienheureux Albert, votre Pontife et Docteur, la grandeur de soumettre la sagesse humaine à la foi divine : donnez-nous, nous vous en prions, de suivre si bien les traces de ce maître que nous puissions jouir au ciel de la lumière parfaite. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Prière de Saint Albert le Grand (1200-1280)

Seigneur Jésus-Christ, suprême Sagesse, après nous avoir favorisés de votre lumière, donnez-nous la force de bien agir, afin que nous méritions de goûter de nouveau la douceur de la contemplation. Puisque vous nous avez engendrés avec amour, portés avec peine, enfantés laborieusement avec douleur, voici que nous pleurons des larmes de contrition sur nos propres péchés et ceux des autres, de tendresse sur notre présent séjour de misère et de dévotion sur l’éloignement de la Patrie, où notre tristesse sera convertie en joie quand nous vous reverrons, vous, notre cœur, et que personne ne nous enlèvera notre joie. Ainsi soit-il.

Antiennes

Ã. Qui caelorum continues thronos et abyssos intueris, Domine, rex regum, montes ponderas, terram palmo concludis : exaudi nos, Deus, in gemitibus nostris​, alleluia.

Ã. Vous qui contenez les trônes des cieux et qui scrutez les abîmes, Seigneur, roi des rois, vous équilibrez les montagnes, vous enfermez la terre au creux de votre main ; exaucez-nous, ô Dieu, dans nos gémissements, alleluia.

Antienne grégorienne “Qui caelorum”

Antienne Qui caelorum

Ã. O doctor optime, Ecclesiæ sanctæ lumen, beate Alberte, divinæ legis amator, deprecare pro nobis Filium Dei.

Ã. Ô Docteur excellent ! lumière de la sainte Église, bienheureux Albert, amateur de la loi divine, priez pour nous le Fils de Dieu.