Le Miracle de Faverney : l’enquête épiscopale

L’Archevêque de Besançon, dès qu’il eut connaissance des événements de Faverney a nommé de suite trois enquêteurs pour aller sur place s’assurer de la vérité des faits allégués. Ils arrivent à Faverney le samedi 31 Mai et se mettent à l’œuvre sans retard, poursuivant leur enquête jusqu’au 4 Juin.
54 dépositions sont recueillies : les commissaires épiscopaux eussent pu interroger beaucoup d’autres témoins car les pèlerins affluèrent par milliers pendant les lundi et mardi de la Pentecôte, le procès-verbal de l’enquête en fait foi. Cependant ils estiment que 54 dépositions forment un ensemble suffisant.
Sur ce nombre, on a le témoignage de 13 religieux dont les 8 de l’Abbaye et 3 capucins de Vesoul, 2 récollets de Provenchère, petit couvent voisin de Faverney; 3 Curés dont celui de Faverney et de Menoux puis des ouvriers, des paysans, des bourgeois, des magistrats. Tous requis de prêter serment sur l’Evangile s’exécutent ; tous signent, se déclarent illettrés. Notons que leur témoignage porte sur des faits faciles à constater et ne datant que de 3 ou 6 jours, qu’il s’agissait non du « comment » de ces faits mais de leur réalité.
En résumé, les dépositions recueillies portent sur 3 chefs :
– l’incendie du reposoir
– la conservation des Saintes Hosties
– la suspension de l’Ostensoir et la cessation de cette suspension.

a)L’incendie du reposoir

Il n’est pas de témoins, sauf peut-être ce marchand de Faverney qui déclare avoir vu après minuit, à travers les vitraux, de grandes lueurs dans l’Eglise abbatiale.
Mais l’incendie est surtout attesté par les débris du reposoir la table brûlée à l’exception des quatre pieds ; les linges, nappes, ornements consumés ; des deux chandeliers d’étain, l’un intact, l’autre à moitié fondu ; la pierre d’autel tombée à terre et brisée en trois morceaux.

b) La conservation des saintes hosties des reliques de Ste Agathe, du Bref papal et de la lettre épiscopale

Après le miracle, on a ouvert la lunule : les deux Hosties furent trouvées intactes, mais avec quelques taches de roussi. Par contre le cercle de la lunule, le pied de l’Ostensoir sur lequel se voient encore des débris de linge brûlé, sont noircis par le feu.
La relique de Ste Agathe et le tube de cristal qui la contient sont intacts ; intact aussi le bouchon de papier de soie qui ferme le tube à une extrémité.
Intactes également les deux pièces de chancellerie portant proclamation des Indulgences mais le sceau de cire rouge de la lettre épiscopale a fondu et s’est répandu sur le parchemin sans en altérer le texte.

c) La suspension de l’ostensoir

53 témoins sur 54 interrogés ont vu de leurs yeux l’Ostensoir suspendu sans appui.
Une particularité éveillait des doutes et nombre de témoins en prirent occasion pour regarder de plus près. L’Ostensoir étant incliné on s’en souvient, de telle sorte que l’un des bras de la petite croix qui le surmontait semblait toucher un des barreaux de la grille.
Y avait-il adhérence ? 46 témoins ont affirmé qu’il n’y avait pas adhérence et voici pour quelles raisons :
1. Un examen attentif permet à 25 témoins de constater qu’une apparence seulement d’adhérence était due à la présence de quelques restes de linge brûlé retenus entre l’extrémité du croisillon et la grille.
2. La grille fut plusieurs fois ébranlée au point de chanceler sur ses bases disjointes, et cependant l’Ostensoir ne subit aucun contrecoup de ces ébranlements et les cendres qui se trouvaient sur son pied ne tombèrent pas à terre.
3. Le croisillon très petit n’aurait pas eu assez de poids pour soutenir un Ostensoir dont le poids dépassait 250 grammes. Enfin, si l’Ostensoir avait été soutenu au point d’adhérence, il aurait eu une autre position. Sa position inclinée est contraire à toutes les lois de l’équilibre.
4. Une dernière hypothèse pouvait être faite : la grille était peut- être aimantée. Les délégués épiscopaux voulurent s’en assurer et les expériences qu’ils firent permirent de constater qu’il n’en était rien.

d) Cessation de la suspension

Seize des témoins interrogés en eurent le spectacle. Ils affirment tous cette descente spontanée : l’Ostensoir qui remue, se redresse : donc s’écarte de la grille et se « coule doucement » sur le corporal, placé au-dessous à une distance de 4 ou 5 doigts.
Voici des faits dûment constatés, après une enquête minutieuse conduite avec rigueur et immédiatement après les événements. Ce qui est à souligner c’est le caractère même de ces faits : il ne s’agit pas d’apparitions du Christ ou de gouttes de sang sur l’Hostie, choses qui pourraient être attribuées à l’hallucination, mais de phénomènes très simples, matériels, et à la constatation desquels il suffit d’apporter de bons yeux et du bon sens : un Ostensoir contenant deux Hosties consacrées est préservé du feu et reste suspendu 33 heures dans l’espace, devant une foule où se succèdent des milliers de personnes.
Ce qui frappe aussi et impose la réflexion c’est le caractère vraiment spécifique de cette force mystérieuse qui soutient l’Ostensoir.
Elle est immatérielle, indépendante de toutes les vibrations, des chocs violents même que les remous de la foule impriment à la grille l’Ostensoir reste immobile.
Elle est libre et intelligente, cette force : elle choisit parmi les objets livrés à la violence du feu ; elle laissera le chandelier d’étain se fondre dans le brasier mais elle préservera l’Ostensoir qui contient les Hosties consacrées.
Elle choisit de menus objets dont la fragilité ou l’inflammabilité fait ressortir leur miraculeuse conservation : le cristal du reliquaire, la relique de Ste Agathe, le papier de soie qui la protège, le parchemin du Bref pontifical.
Elle est dévote, cette force mystérieuse et organise toute une mise en scène pour la reposition de l’Ostensoir : un cierge qui s’éteint trois fois, un son de clochette, et quand tous les yeux sont braqués sur l’Hostie, cette descente lente et majestueuse du reliquaire sur le corporal « comme l’eût fait un homme d’Église ».
Peut-on alors ne pas adhérer aux conclusions de l’enquête épiscopale de 1608 déclarant que de tels faits ne peuvent s’expliquer « sans l’intervention de la très grande puissance et bonté de Dieu » et conclure avec l’Archevêque Ferdinand de Rye dans son mandement en date du 30 juillet 1608 à la réalité du miracle des Saintes Hosties conservées dans les Flammes de Faverney.