L’influence protestante après le Miracle de Faverney

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Le fait le plus caractéristique est le silence des pasteurs au temps du miracle ; c’est la grande preuve de leur irrémédiable défaite. Ni leurs écrits de l’époque, ni les délibérations du consistoire n’en disent mot, quoiqu’il fût publié dans les villes et dans toute la contrée les jours suivants. « Le silence de leur langue et de leur plume, dit le P. Ludovic, sur des sujets si décisifs contre leurs dogmes, vaut une nouvelle démonstration.

Il y eut cependant quelques conversions à la suite du prodige. La principale fut celle de Frédéric Vuillard, sur laquelle je dois attirer votre attention. Cet orfèvre, de Montbéliard, était de passage à Vesoul, lorsqu’y arriva la nouvelle du grand événement. Par curiosité, dit-il, il se rendit sur les lieux. Pendant une heure, au moins, à la vue des choses étranges qui le fascinaient, la vérité et l’erreur se livrent en lui une lutte à outrance. Il sortit de l’église et y rentra plus de trente fois. A la fin, sa ténacité luthérienne fut vaincue. Dès qu’il eut reçu l’instruction nécessaire, il fit son abjuration, convertit sa famille, celle de l’un de ses frères, puis sa mère, Guillemette Paris, qui avait abandonné Besançon pour pratiquer le protestantisme a Montbéliard. Nicolas de Campredon, seigneur de Passavant, né à Castres, après 1608, se réfugia à Langres où il embrassa plus tard le catholicisme avec sa famille.

Si les conversions de protestants furent rares à la suite du prodige, il faut l’attribuer à l’orgueil des hérétiques qui se raidirent contre l’évidence du miracle. S’ils n’eurent pas le courage de se convertir, ou ils se turent, ou ils émigrèrent, et la propagande de l’hérésie reçut le coup de la mort. Ainsi les héros du prêche qui eut lieu à Passavant, la nuit du 25 au 26 mai 1608, allèrent à Faverney, dit le P. Ludovic. Mais « après s’être assurés eux-mêmes d’une certitude physique la plus complète », au lieu de se convertir, ils prirent le parti d’émigrer. Les uns allèrent en Allemagne. d’autres en Flandre, quelques-uns en France.

Mais à dater de 1608, on ne trouve plus de prêche luthérien dans le bailliage d’Amont, plus de prédicant gyrovague. Les grands foyers d’hérésie d’autrefois ont vu s’éteindre leur dernière étincelle, et les dissidents se ranger sous la houlette de leur pasteur respectif. Deux ou trois protestants d’Amance disparurent sous le poids du mépris après avoir eu maille à partir avec la justice, pour faits d’hérésie doublés d’immoralité.

Mais un des plus heureux résultats du miracle fut de stimuler la propagande catholique et de relever le courage du clergé et des fidèles. On en trouve les premières traces dans les dépositions des témoins de l’enquête, où chacun d’eux put dire, comme le curé d’Amance, parlant du fait, qu’il « fut tellement ravi d’admiration qu’il fut contraint de larmoyer ».

Le grand fait du miracle donna aux prédicateurs toute la force de leur éloquence et toute l’ardeur de leur zèle.

Le P. Ludovic de Faverney, devenu capucin, transporte l’esprit de ses auditeurs auprès de l’autel incendié, et empruntant la voix du miracle, il démontre les dogmes éclairés par la lumière de ce feu.

Le P. Lejeune assista, à l’âge de seize ans, à la cérémonie qui eut lieu à Dole, sa ville natale, à la réception de l’une des hosties miraculeuses. L’impression qu’il en ressentit fut si vive, qu’il en parle toujours comme d’un fait récent. Dans son sermon sur la présence réelle, en abordant la preuve des miracles : « En voici un du saint Sacrement dont je puis parler, s’écrie-t-il, car j’étais dans le pays même quand il arriva ». Pendant quarante ans, il le répète devant les auditoires les plus variés. A ces paroles d’un saint, la lumière pénètre dans les esprits, échauffe les cœurs, ranime le courage et les énergies.

Les Jésuites, qui avaient reçu Frédéric Vuillard pour compléter son instruction, se firent les ardents propagateurs et défenseurs du dogme eucharistique. Nous voyons élèves et maîtres admirer le héros qui, pour obéir à la voix de Dieu, se condamnait à l’exil. Quelle puissance de persuasion possédaient les discours de ces religieux, quand ils rappelaient le cri de leur catéchumène disant, les yeux fixés sur l’ostensoir suspendu dans les airs : « Ma religion me défend de croire ce que je vois ». Orateurs aussi habiles que pieux, avec toutes les lumières qui se dégageaient de ces prodiges, ils rendirent nos dogmes pour ainsi dire tangibles tant à leurs élèves qu’à leurs auditeurs. On comprend l’éloge que leur adresse pour cette époque un historien comtois : « La piété, la doctrine et le zèle des Jésuites produisirent un bien immense ».

Les Capucins, appelés en qualité de théologiens par les religieux de Faverney, arrivent sur le théâtre du miracle, dit le P. Ludovic ; « ils sont effrayés, ils voient, ils font entendre des exclamations ; on verse des larmes, on frappe sa poitrine et l’église retentit de cris, de sanglots, de gémissements et d’éclats de voix . Pendant deux siècles, les sermons des disciples de saint François sur l’Eucharistie se ressentent de ces impressions ; ils les font revivre dans le cœur de leurs auditeurs. Leurs paroles, accréditées par leur vie austère, produisent dans le diocèse des effets qui jettent dans l’admiration Antoine-Pierre de Grammont . Les hérétiques sont ébranlés. Montbéliard, à deux reprises, défend aux protestants de Tavey d’assister à leurs prédications.

L’Hortus Pastorum de Jacques Marchand se publie à Mons, en Hainaut, vers 1625. Le miracle de Faverney, que l’auteur emprunte au mandement de Ferdinand de Rye, y figure parmi les merveilles dont l’Eucharistie est le mémorial. C’est le miracle le plus éclatant accompli jusqu’alors en faveur du dogme catholique. Les prédicateurs, les catéchistes de la France, des Pays-Bas et de l’Allemagne recueillent ce fait, pour l’offrir à l’édification des peuples, sur les lèvres des milliers de personnes qui en ont été témoins. Un tel concert d’affirmation échauffe la piété des fidèles et ruine la principale base du système protestant .

L’influence du miracle se fait sentir dans les prédications, plus de cent cinquante ans après l’événement. En 1768, les missionnaires d’École, pendant une mission donnée à Blamont, offrirent publiquement aux pasteurs du pays une copie collationnée de l’enquête, mais aucun d’eux n’en prit connaissance, quoique le dossier restât plusieurs mois la maison curiale .

Nos archevêques, stimulés par le prodige. déploient un zèle ardent à la restauration de la maison de Dieu. Ferdinand de Rye, excité par le souffle de Faverney, exige « que les églises, autels, calices, ciboires, tabernacles et autres ornements soient propres et bienséants » ; il enjoint surtout, quand le saint Sacrement « sera exposé publiquement sur l’autel, qu’il y ait continuellement quelqu’un à l’église ».
Claude d’Achey insiste à temps et à contretemps pour faire observer les règlements de son prédécesseur ; il en ajoute de nouveaux ; entre autres, il exige le respect des églises.

Antoine-Pierre de Grammont, surnommé le Borromée du diocèse, avait passé deux années de sa jeunesse à l’école de Faverney. Le zèle qu’il puisa dans ce foyer de science et de piété en fit le réformateur et l’organisateur du diocèse, œuvre gigantesque qui lui donne droit, dit son historien, « auprès du clergé bisontin, au souvenir reconnaissant dont l’église de France honore… la mémoire de saint Vincent de Paul ». Nous souscrivons avec plaisir au jugement de l’historien.

Conclusion

Rappelons-nous que ce signe nous a été donné par le Seigneur, et que l’événement de Faverney est notre grand miracle. A Domino factum est istud

L’influence qu’il a eue dans notre province pour la renaissance religieuse au XVIème siècle, en stimulant les bons, réchauffant les tièdes, refoulant l’hérésie, il peut l’exercer encore de nos jours. Les ennemis de l’Eucharistie, de la messe, de la communion et du prêtre sont plus acharnés que jamais. Mais demandons au ciel que cette haine tombe devant le récit lumineux des merveilles de Faverney et que, vaincus par la force de la vérité historique, ils s’écrient comme Amédée Thierry, préfet de Vesoul : « S’il est un fait historique matériellement prouvé, c’est incontestablement celui-là ».

Entre cet acte de foi et la table sainte, il n’y a qu’un pas.

Version téléchargeable et imprimable.

L’influence protestante avant le Miracle de Faverney

Cette communication fut prononcée par monsieur l’Abbé Tournier, aumônier de la Charité à Saint-Ferjeux, le 23 mai 1908 lors du congrès national eucharistique réunit pour fêter le troisième centenaire du miracle de Faverney. On la trouve dans le livre de compte rendu des travaux aux pages 181-191. Nous avons ici la première partie de ce rapport, la deuxième partie sera donnée dans le prochain article. Enfin je n’ai pas conservé les notes qui consistent en des références bibliographiques la plupart du temps. Toutefois je publierai ultérieurement une version téléchargeable et imprimable (au format PDF) comprenant le texte intégral de ce rapport. Si une telle version vous intéresse pour les autres articles n’hésitez pas à m’en faire part dans vos commentaires.

Avant 1608, la propagande protestante était aussi habile qu’acharnée. L’audace, les crimes et les profanations contre la sainte Eucharistie en particulier dépassaient toutes les bornes. Le miracle a fait reculer l’erreur; il a chassé les fauteurs de l’hérésie. Et les catholiques, encouragés, excités, enthousiasmés par le prodige, ont redoublé leurs efforts, ont réparé les ruines et ranimé partout la foi et la piété, surtout à l’égard du saint Sacrement.

Voilà ce que je voudrais exposer brièvement.

C’est surtout contre le sacrement de l’Autel que furent dirigées, au XVIème siècle, les attaques du protestantisme. Le dogme de la présence réelle devint le point de mire de toutes ses négations. Partout où les hérétiques parvinrent à dominer, le premier usage de leur autorité fut d’éteindre la lampe du sanctuaire, de démolir les autels, de profaner l’Eucharistie et de fouler aux pieds les ornements sacrés.

Lorsque, sous l’influence toute-puissante des ducs de Wurtemberg, Montbéliard, Blamont, Héricourt eurent chassé leurs prêtres et ouvert à l’hérésie les portes de leurs églises, le luthéranisme poursuit audacieusement ses conquêtes dans notre province. Les gouverneurs de Besançon et beaucoup de notables, endoctrinés par les prédicants qu’ils cachent chez eux, n’attendent que le moment de livrer les catholiques aux princes protestants. Pontarlier est envahie par des prédicants qui. pour fomenter l’erreur, s’introduisent comme domestiques dans les maisons riches ou se mettent à la disposition des jeunes gens pauvres pour leur apprendre un métier. A Dole, l’erreur envoie des voitures de mauvais livres. A Salins, toutes les nuits on chante à gorge déployée les psaumes de David. A Saint-Amour, le venin des huguenots croissait fort, écrivait Claude Bebin au cardinal Granvelle.

La région du bailliage d’Amont surtout est fortement attaquée. De riches seigneurs, voisins de l’abbaye de Faverney, donnent aux idées nouvelles le secours de leur épée. De Citey, gentilhomme du lieu, passe au service du duc des Deux- Ponts. Le sire d’Amance, gardien de l’abbaye, fait de ce village un foyer du protestantisme et célèbre, pendant le carême, une noce avec force gibier et venaison. « Ceux de Vesoul, de même pertinacité que lui, sont à sa dévotion, ainsi que la plupart de ceux de Besançon », écrit Claude Bebin. Le sire de Saint-Remy pille le couvent de Cherlieu, y met le feu et demeure joyeux spectateur de l’incendie. Le seigneur de Demangevelle et de Vauvillers donne asile à un pasteur de Genève ; le prêche se fait dans sa maison à porte ouverte.

A Luxeuil, on va au prêche et on bat un religieux ; le venin menace de s’étendre et de perdre la ville, Conflans s’agite de son côté. Muretel, habitant du lieu, s’érige en prédicant. « Plusieurs de Bouligney et des villages voisins » accourent à ses prédications. Sa mort n’arrête pas les progrès du mal. Granvelle écrit deux ans après : « Il serait grand temps que Claude de la Beaume purgeât Conflans, Fontenois-en-Vosges et autres lieux infectés ». Dans la terre de Jussey, la Réforme étendait ses racines. Le prieur de Laître alla à Genève conférer avec les hérétiques. Deux de ses complices entretenaient avec les Gueux des Pays-Bas des correspondances si compromettantes que, de leur aveu, on les aurait pendus l’un et l’autre, si elles eussent été surprises, A la verrerie de la Rochère-lez-Passavant, la propagande est d’autant plus dangereuse qu’elle a pour auteurs les maîtres du lieu. Le prêche tenu par eux la nuit même où arriva le miracle, les blasphèmes qu’ils y débitèrent, prouvent assez à quel degré était montée dans leur cœur la haine de nos saints mystères.

On peut juger des conquêtes du protestantisme dans la province par le nombre de villages où il avait des prêches ou des adeptes ardents ; on en comptait plus de cinquante.

Dans la dernière partie du XVIème siècle, les adhérents de la Réforme sont aussi zélés qu’au début . Nous le retrouvons avec le même acharnement jusqu’à la veille du miracle. En 1605, il y a encore à Besançon une forte poussée huguenote. La répression est énergique, son auteur est condamné à mort . En 1609, nous voyons l’hérésie essayer d’y continuer timidement ses efforts, mais depuis les documents sont muets sur la propagande protestante ; les faits vont prouver que les flammes miraculeuses de Faverney avaient porté un coup fatal à tout l’échafaudage d’erreurs, de brigandages et de profanations qui avaient mis le catholicisme en Franche-Comté à deux doigts de sa ruine.

Pour calculer la grandeur du danger, un mot seulement sur les ruines religieuses accumulées par la propagande hérétique.

A Besançon, des bandes de quatre cents huguenots, très bien armés, parcourent plusieurs fois, pendant la nuit, les rues de la ville en se livrant à des voies de fait. « Avant peu, disait un hérétique, on coupera tant de têtes que le sang coulera comme quand il pleut ». Dans la province, « on était comme dans une grande forêt de brigands », écrivait-on à Granvelle. Le chanoine Lebel, de Tarcenay, fut tué par un hérétique, près de Vellefaux . L’influence de la Réforme sur les mœurs fut déplorable, comme le prouve l’enquête faite, en 1572, à Besançon, par les commissaires impériaux. Elle souffla partout la haine des prêtres, multipliant contre eux les injures ordurières et les couvrant de ridicule, ainsi que les mystères sacrés et les cérémonies du culte .

La miséricorde de Dieu répondit à l’impiété de ces blasphèmes par le miracle de Faverney.

Le Miracle de Faverney : Mandement de l’évêque

Le Miracle de Faverney : Mandement de l’évêque

Le Miracle de Faverney : Mandement de l’évêque

Voici le mandement de Monseigneur de Rye qui déclare l’authenticité du miracle de Faverney. L’orthographe et la syntaxe de l’époque ont été conservées, le texte reste néanmoins bien compréhensible pour un esprit normalement cultivé.

 MANDEMENT DE MONSEIGNEUR DE RYE
ARCHEVÊQUE DE BESANÇON
10 juillet 1608
DECLARATION
AVTHENTIQVE D’VN
Insigne miracle du Très-sainct et
TRES-AUGUSTE SACREMENT
Aduenu le 25 May de la presente année 1608
en l’Eglise Abbatiale de Nostre Dame de
Fauerney, au Comte de Bourgongne.
Faicte par Monseigneur l’Illustrissime et
Reuerendis. Archeuesque de Besançon
Prince du S. Empire.

FERDINAND DE LONGVY, dict de Rye, par la grace de Dieu et du sainct siège Apostolique, Archevesque de Besançon, Prince du sainct Empire, etc. A tout le Clergé et peuple de nostre Diocese salut et benediction.

La diuine Prouidence, qui dispose toutes choses sagement, preuoyant qu’aux derniers siecles plusieurs seducteurs se leueroient, et l’iniquité abonderoit, selon que l’arrogance et la superbe des ennemis de Dieu (dit le Psalmiste) va tousiours en montant, et que l’impieté des modernes heretiques s’eslanceroit, jusqu’au Throsne du fils de Dieu, pour nous vouloir arracher de son siege au Sainct Sacrement de l’Autel, sa reelle presence. Ceste Sagesse diuine a voulu contre la furie de ces Geants modernes, et enfans de la terre, qui ne s’arrestent qu’à leurs sens, et propre iugement, munir son Eglise, qui est la Tour mystique de Dauid, de mille targues, et boucliers ainsi qu’il est dit aux Cantiques. Entre lesquels sont les Miracles et œuvres surnaturelles, que le Tout-puissant a produit pour la defence de la realité du Corps et Sang de Iesus-Christ en la saincte Eucharistie et comme de fraische memoire sur ce subiect, ce grand Dieu en a produit vn sollennel en cestuy nostre Diocese de Besancon, à la veuë d’vn grand nombre de Fideles :

Nous, pendant qu’il estoit encore recent, et auant que la presomption humaine le vint a desguiser, ou supposer en son lieu vne chose pour vne autre, pour nostre charge Pastorale, et pour ne point cacher la gloire des œuures de Dieu, l’auons voulu faire recognoistre, et à ces fins auons incontinent ordonné à nos Procureur general et premier Aduocat Fiscal, auec le Secretaire de nostre Conseil Archiepiscopal, de se transporter sur le lieu, et informer à plein de tout ce qui s’en seroit passé observant les formalitez en tel cas requises. Ce qu’ayans faict ils nous auroient rapporté leur besoigne et procedure, auec la deposition de cinquante deux tesmoins irreprochables, par lesquels il auroit suffisamment apparu,

Qu’en l’ancienne Eglise Abbatiale de Nostre Dame de Fauerney dez quelques annees ont esté concedees Indulgences par le S. Siege Apostolique, à tous ceux qui deuotement la visitent et frequentent ès iours de festes de Pentecoste. A raison de quoy pour y exciter dauantage la deuotion du peuple, le vingt quatriesme May de l’an present mil six cens et huict, veille de ladicte feste de Pentecoste, auroit esté dressé, selon la coustume des annees precedentes, près des treilliz de fer qui separent le Presbyteral du Choeur, vne table de bois en forme d’Autel, parée et reuestuë tant par les costez, que par le derriere de cortines et autres ornemens, et couuerte par le haut du daiz ou poille de la dicte Eglise. Sur laquelle table a vn palme près desditz treilliz auroit esté mis vn Tabernacle orné de draps de soye sur vn petit degré de bois, et dans ledit Tabernacle sur vn marbre sacré couuert d’vn corporal, auroit esté posé vn Reliquaire d’argent pesant plus d’vn marc, au milieu duquel y a vne branche et tuyau de cristal couché de sa longueur et en trauers, dans lequel est un doigt de Sainct Agathe martyre, et sur ledit corps de cristal est enté vn cercle d’argent, comprenant les deux vitres, dans lesquels estoit proposé le Sainct Sacrement en deux hosties, consacrées ledit jour. Ce qu’ayant esté fait, seroit arriué que la nuict du jour de Pentecoste vingt cinquiesme dudit mois de May, le feu se print, et attacha tellement ausdits ornemens, et nappes, que non seulement il brusla les cortines et le poille dessus (hormis toutefois la partie d’iceluy, qui couuroit la Saincte Eucharistie) mais aussi le tabernacle, et le degré de bois, sur lequel il estoit posé, et la partie de la table de bois, qui touchoit lesdits treilliz, et soustenoit le tout, mesmes le marbre Sacré, sur lequel reposoit le sainct Sacrement et reliquaire, tomba, et fut trouué rompu en trois pièces, et l’enchasseure d’iceluy bruslee, auec la partie de ladite table, en vn brasier sur le paué. Au milieu duquel feu, et embrasement ledit reliquaire, dans lequel reposoit le sainct Sacrement, auroit esté non seulement conserué sans lesion, mais encore s’estant retiré de sa place d’enuiron un palme en deuers lesdits treilliz de fer, seroit demeuré de la mesme hauteur suspendu en l’air sans aucun soustien. Et bien que lesdits treilliz fussent branslants, et à tout coup rudement agitez pour estre mal retenus, à cause mesmes que la base de bois qui les supporte, et l’vn des poteaux, dans lesquels ils sont enclauez, furent en partie bruslez. Neantmoins ledit reliquaire, et sainct Sacrement nonobstant tout mouuement desdicts treilliz, demeura immobile, suspendu en l’air, tout estant consommé desoubs, sans estre supporté d’aucune chose, que de la vertu diuine. Et fut ledict reliquaire ainsi suspendu par l’espace de trente trois heures, ou enuiron, et en ceste sorte veu de tout le peuple, tant de Fauerney, qui se trouua aussi tost en ladite Eglise, que des lieux circonuoisins qui y accoururent par milliers. Et persista ainsi iusqu’aux dix heures ou enuiron, du matin du Mardy troisiesme feste de ladite Pentecoste, lors qu’vn sieur Curé voisin venu en procession avec son Peuple, sur le bruit espars de ceste nouuelle celebroit la saincte Messe au grand Autel de ladite Eglise, en presence de grand nombre de Personnes deuotement assemblées. Pendant laquelle celebration vn cierge posé auec autres deuant ledit reliquaire, s’esteignit par trois fois sans aucune cause apparente. Et a l’instant de la premiere elevation du S. Sacrement, et a mesure que le dit sieur d’Eglise celebrant la Messe le rabaissoit, ledit reliquaire descendit de soy mesme doucement, et se posa proprement sur un Missel, couuert d’vn corporal, mis sur vn aix, qu’on auoit adjancé de quelque distance sous iceluy, a l’effect de le receuoir auec plus de reuerence s’il venoit à tomber. Ce qui fut visiblement apperceu de plusieurs, tant Hommes, que Femmes, et enfans. De quoy nous estants veritablement et plainement informez, Ayants en nostre conseil Archiepiscopal exactement pesé le tout, et y appellé bon nombre de Theologiens, Canonistes, et examiné serieusement, et meurement le besoigné de nosdits Procureur General, et Aduocat fiscal, tant en secrette information, que procedure faite par eux en presence de graues et idoines personnes, mesmement Ecclesiastiques. Et ayants recogneu que ce faict surpassoit le cours ordinaire de nature, pour ne celer les merveilles de Dieu, et qui touchent au bien de toute l’Eglise Catholique, et consolation des fideles, vous auons voulu asseurer, et tous autres, de la verité de ce Miracle, afin de considerer deuotement, et prendre garde à ce, que par iceluy nostre Dieu demande de nous en ceste saison, pour son honneur, et gloire. Et a ceste occasion, et pour le debuoir de nostre charge exhortons tous, et vn chascun de l’vn et l’autre sexe de nostre Diocese de benir, et loüer Dieu en toutes ses œuures, particulierement en ceste cy tant miraculeuse et se confirmer dauantage en la Foy et reuerence de ce sainct Sacrement, se rendre dignes des graces et faueurs, qui se communiquent ordinairement a ceux qui le frequentent auec les preparations requises. Recommandans du surplus à tous Prelats, Pasteurs des ames, et autres Ecclesiastiques, tant seculieres que regulieres, de nostre Diocese, d’estre fort vigilants à ce qui concerne le culte et pieté de ce S. Sacrement. Que les Eglises, Autels, Calices, Ciboires, Tabernacles, et autres ornements soient propres et bien seans, comme ce tant haut mystere le requiert. Et quand la necessité sera de le porter aux malades, qu’il soit faict auec le respect deu à la majesté diuine, et qu’il soit conuenablement suiuy et accompagné. Exhortans encore à cet office les Confreries dressees à l’honneur de ce Saint Sacrement, Sur tout enjoignons quand il sera exposé publiquement sur l’autel, qu’il y aye continuellement quelqu’vn en l’église, tant pour faire prieres, que pour remedier aux accidents qui pourroient suruenir. Priants Dieu de tout nostre coeur qu’il luy plaise tourner ce Miracle à sa plus grande gloire, à la conuersion des heretiques, au bien uniuersel de son Eglise, et deffence de la verité, et particulierement au bien de ce nostre Diocese, au repos, et bon heur de tous les Princes Chrestiens, nommement de leurs Altesses Serenissimes (ès terres et villes desquelles ce tant signalé Miracle est arrivé) à la consolation et edification de tout son peuple, et à l’augmentation de grace, vertu, et deuotion à vn chascun de nous.

Donné à Besançon en nostre conseil Archiepiscopal, le dixiesme Iuillet, l’an de grace Mil Six cens et huict.

Par ordonnance de mondit Seigneur L’illustrissime et Reuerendissime Archeuesque,

B. CRETENET.

Le Miracle de Faverney : l’enquête épiscopale

Le Miracle de Faverney : l’enquête épiscopale

Le Miracle de Faverney : l’enquête épiscopale

L’Archevêque de Besançon, dès qu’il eut connaissance des événements de Faverney a nommé de suite trois enquêteurs pour aller sur place s’assurer de la vérité des faits allégués. Ils arrivent à Faverney le samedi 31 Mai et se mettent à l’œuvre sans retard, poursuivant leur enquête jusqu’au 4 Juin.
54 dépositions sont recueillies : les commissaires épiscopaux eussent pu interroger beaucoup d’autres témoins car les pèlerins affluèrent par milliers pendant les lundi et mardi de la Pentecôte, le procès-verbal de l’enquête en fait foi. Cependant ils estiment que 54 dépositions forment un ensemble suffisant.
Sur ce nombre, on a le témoignage de 13 religieux dont les 8 de l’Abbaye et 3 capucins de Vesoul, 2 récollets de Provenchère, petit couvent voisin de Faverney; 3 Curés dont celui de Faverney et de Menoux puis des ouvriers, des paysans, des bourgeois, des magistrats. Tous requis de prêter serment sur l’Evangile s’exécutent ; tous signent, se déclarent illettrés. Notons que leur témoignage porte sur des faits faciles à constater et ne datant que de 3 ou 6 jours, qu’il s’agissait non du « comment » de ces faits mais de leur réalité.
En résumé, les dépositions recueillies portent sur 3 chefs :
– l’incendie du reposoir
– la conservation des Saintes Hosties
– la suspension de l’Ostensoir et la cessation de cette suspension.

a)L’incendie du reposoir

Il n’est pas de témoins, sauf peut-être ce marchand de Faverney qui déclare avoir vu après minuit, à travers les vitraux, de grandes lueurs dans l’Eglise abbatiale.
Mais l’incendie est surtout attesté par les débris du reposoir la table brûlée à l’exception des quatre pieds ; les linges, nappes, ornements consumés ; des deux chandeliers d’étain, l’un intact, l’autre à moitié fondu ; la pierre d’autel tombée à terre et brisée en trois morceaux.

b) La conservation des saintes hosties des reliques de Ste Agathe, du Bref papal et de la lettre épiscopale

Après le miracle, on a ouvert la lunule : les deux Hosties furent trouvées intactes, mais avec quelques taches de roussi. Par contre le cercle de la lunule, le pied de l’Ostensoir sur lequel se voient encore des débris de linge brûlé, sont noircis par le feu.
La relique de Ste Agathe et le tube de cristal qui la contient sont intacts ; intact aussi le bouchon de papier de soie qui ferme le tube à une extrémité.
Intactes également les deux pièces de chancellerie portant proclamation des Indulgences mais le sceau de cire rouge de la lettre épiscopale a fondu et s’est répandu sur le parchemin sans en altérer le texte.

c) La suspension de l’ostensoir

53 témoins sur 54 interrogés ont vu de leurs yeux l’Ostensoir suspendu sans appui.
Une particularité éveillait des doutes et nombre de témoins en prirent occasion pour regarder de plus près. L’Ostensoir étant incliné on s’en souvient, de telle sorte que l’un des bras de la petite croix qui le surmontait semblait toucher un des barreaux de la grille.
Y avait-il adhérence ? 46 témoins ont affirmé qu’il n’y avait pas adhérence et voici pour quelles raisons :
1. Un examen attentif permet à 25 témoins de constater qu’une apparence seulement d’adhérence était due à la présence de quelques restes de linge brûlé retenus entre l’extrémité du croisillon et la grille.
2. La grille fut plusieurs fois ébranlée au point de chanceler sur ses bases disjointes, et cependant l’Ostensoir ne subit aucun contrecoup de ces ébranlements et les cendres qui se trouvaient sur son pied ne tombèrent pas à terre.
3. Le croisillon très petit n’aurait pas eu assez de poids pour soutenir un Ostensoir dont le poids dépassait 250 grammes. Enfin, si l’Ostensoir avait été soutenu au point d’adhérence, il aurait eu une autre position. Sa position inclinée est contraire à toutes les lois de l’équilibre.
4. Une dernière hypothèse pouvait être faite : la grille était peut- être aimantée. Les délégués épiscopaux voulurent s’en assurer et les expériences qu’ils firent permirent de constater qu’il n’en était rien.

d) Cessation de la suspension

Seize des témoins interrogés en eurent le spectacle. Ils affirment tous cette descente spontanée : l’Ostensoir qui remue, se redresse : donc s’écarte de la grille et se « coule doucement » sur le corporal, placé au-dessous à une distance de 4 ou 5 doigts.
Voici des faits dûment constatés, après une enquête minutieuse conduite avec rigueur et immédiatement après les événements. Ce qui est à souligner c’est le caractère même de ces faits : il ne s’agit pas d’apparitions du Christ ou de gouttes de sang sur l’Hostie, choses qui pourraient être attribuées à l’hallucination, mais de phénomènes très simples, matériels, et à la constatation desquels il suffit d’apporter de bons yeux et du bon sens : un Ostensoir contenant deux Hosties consacrées est préservé du feu et reste suspendu 33 heures dans l’espace, devant une foule où se succèdent des milliers de personnes.
Ce qui frappe aussi et impose la réflexion c’est le caractère vraiment spécifique de cette force mystérieuse qui soutient l’Ostensoir.
Elle est immatérielle, indépendante de toutes les vibrations, des chocs violents même que les remous de la foule impriment à la grille l’Ostensoir reste immobile.
Elle est libre et intelligente, cette force : elle choisit parmi les objets livrés à la violence du feu ; elle laissera le chandelier d’étain se fondre dans le brasier mais elle préservera l’Ostensoir qui contient les Hosties consacrées.
Elle choisit de menus objets dont la fragilité ou l’inflammabilité fait ressortir leur miraculeuse conservation : le cristal du reliquaire, la relique de Ste Agathe, le papier de soie qui la protège, le parchemin du Bref pontifical.
Elle est dévote, cette force mystérieuse et organise toute une mise en scène pour la reposition de l’Ostensoir : un cierge qui s’éteint trois fois, un son de clochette, et quand tous les yeux sont braqués sur l’Hostie, cette descente lente et majestueuse du reliquaire sur le corporal « comme l’eût fait un homme d’Église ».
Peut-on alors ne pas adhérer aux conclusions de l’enquête épiscopale de 1608 déclarant que de tels faits ne peuvent s’expliquer « sans l’intervention de la très grande puissance et bonté de Dieu » et conclure avec l’Archevêque Ferdinand de Rye dans son mandement en date du 30 juillet 1608 à la réalité du miracle des Saintes Hosties conservées dans les Flammes de Faverney.

Le Miracle de Faverney : les faits

Le Miracle de Faverney : les faits

Le Miracle de Faverney : les faits

Le contexte historique

Afin de mieux discerner ce qu’on pourrait appeler les raisons providentielles de l’événement de 1608, il n’est pas sans utilité de dire quelques mots du cadre humain dans lequel va se produire cette intervention de Dieu.
Faverney, en 1608, était déjà une grosse bourgade de la Comté de Bourgogne alors gouvernée par ses « Archiducs », l’infante Isabelle fille du Roi d’Espagne Philippe II et son mari l’Archiduc Albert d’Autriche. Heureux pays, heureux temps où l’on ne connaissait pas les impôts ; période de prospérité où se relevaient peu à peu les ruines accumulées par la conquête française de 1595.
Époque inquiète cependant : c’est le temps où dans notre comté s’insinue la propagande protestante ; Montbéliard n’est pas loin et ses prédicants, bravant les ordonnances rigoureuses du Parlement de Dole, pénètrent partout.
On trouve en 1608 des centres de rayonnement de l’hérésie jusque dans les localités limitrophes de Faverney : Purgerot, Contréglise, Conflans, Amance surtout. Ce qui frappe les esprits, c’est l’audace, le dynamisme des prédicateurs de l’hérésie : au péril de leur vie, ils parlent contre la Messe, contre les Prêtres, contre la Vierge ; les prêches nocturnes se multiplient. Toutes ces manifestations entretiennent dans les esprits une atmosphère de doute et de négation.
Il devrait pourtant se trouver à Faverney une citadelle du Catholicisme : l’Abbaye Bénédictine. Malheureusement, elle est bien déchue. Ruinée matériellement par les invasions, elle n’a plus ni salle capitulaire, ni réfectoire, ni bibliothèque. Le Commendataire, l’Evêque Jean Daroz de Lausanne a bien, au début du siècle, restauré le quartier abbatial mais les « lieux réguliers » sont encore à reconstruire, et les Religieux, trop peu nombreux (ils sont six et deux novices) ont de plus en plus réduit au minimum la célébration de l’Office monastique : Il n’y a plus ni grand’messe quotidienne – ni office de nuit – si ce n’est aux grandes fêtes. – Il n’est plus guère question de clôture.
Ne condamnons pas ces Religieux : ils pêchent surtout par ignorance d’une règle qu’on ne leur a jamais lue. Ce sont plutôt des victimes de ce glissement dans la routine où depuis un siècle s’est enlisée cette Abbaye tombée en commende et ruinée par les guerres.
Et puis, ils demeurent Prêtres, ces Moines, et dans leur belle église consacrée à N.-D. La Blanche dont la statue miraculeuse a ressuscité des centaines d’enfants morts sans Baptême, il leur arrive parfois encore d’organiser de grandioses cérémonies où se réveillent la foi du peuple et la leur. C’est ainsi qu’en 1604 ils ont obtenu du Saint-Siège le renouvellement d’une indulgence de 10 ans accordée aux Pèlerins qui visiteraient l’église abbatiale le jour de la Pentecôte et les deux jours fériés qui suivent : pour exciter la piété des foules, on exposait, en cette occasion, le Saint Sacrement.

Le miracle

Donc, le samedi 24 Mai 1608, veille de la Pentecôte, les religieux préparent comme chaque année leur modeste reposoir. Près de la grille du Chœur, du côté de l’Evangile, ils disposent une table sur laquelle est placé un Tabernacle dont la base est formée par un marbre d’autel. Le tout orné de nappes, de tapis et surmonté du dais que l’on porte aux Processions.
Aux Vêpres de ce samedi, le Prieur apporte solennellement au reposoir le reliquaire-ostensoir.
Il contenait dans un tube de cristal un doigt de Sainte Agathe et au-dessus, dans une lunule d’argent, deux Hosties consacrées à la Messe du matin. Pourquoi deux Hosties ? Parce que la lunule était trop large ; on agissait de même aux jours de Fête-Dieu.
Sur la table, le sacristain place deux lampes de verre allumées et deux chandeliers d’étain.
Puis sur la nappe d’autel ornant le devant du reposoir sont épinglés le Bref Apostolique de Clément VIII accordant les Indulgences et la lettre de l’Archevêque Ferdinand de Rye en autorisant la publication.
L’office du soir terminé, les Religieux ferment l’église et se retirent. Le lendemain, dimanche de la Pentecôte, l’Adoration du Saint Sacrement sera reprise et poursuivie toute la journée au milieu d’un grand concours de fidèles venus pour gagner les Indulgences. Au soir de ce dimanche, comme la veille, l’église est fermée et les Religieux vont se coucher après avoir confié Notre Seigneur à la garde des deux veilleuses à huile remises en état pour la nuit.
Or le lundi matin 26 Mai, lorsque le Prêtre sacristain Dom Jean Garnier vient ouvrir les portes de l’Eglise, il la trouve remplie de fumée. A la place du reposoir, un amas de cendres d’où émergent quelques débris calcinés. Eperdu, le religieux court alerter ses frères, puis se répand dans les rues, réveille les bourgeois et leur annonce le sinistre.
Cependant les Moines sont accourus et fouillent l’amas de cendres pour y découvrir au moins quelques vestiges de l’Ostensoir.
Ils ne trouvent rien et se lamentent quand un jeune novice, le frère Antoine Hudelot, ayant levé les yeux vers les grilles du Chœur contre lesquelles était adossé le reposoir, aperçoit brusquement l’Ostensoir au milieu de la fumée. Il est à l’endroit même où le Prêtre l’avait exposé, mais comme il ne reste rien du Tabernacle, l’Ostensoir se trouve comme suspendu, immobile dans l’espace et légèrement incliné, le bras gauche de la petite Croix qui le surmonte semblant toucher l’un des barreaux de la grille.
L’émoi est alors à son comble d’autant plus qu’arrivent dans l’église les premiers habitants alertés par les cris de Dom Garnier. Ensemble, Religieux et Bourgeois se livrent à de minutieuses investigations : l’Ostensoir est longuement examiné à l’aide de cierges allumés : aucune trace d’un support quelconque le maintenant dans l’espace !
Des cendres sont retirés les restes d’un chandelier d’étain à demi fondu, le marbre d’autel brisé en trois morceaux, les quatre pieds de la table plus ou moins calcinés et, chose extraordinaire, le Bref du Pape intact, ainsi que la Lettre de l’Archevêque.
Comme la foule se fait plus dense et se presse contre la grille du Chœur, peu solide et dont le feu a rongé les bases de bois, on établit devant elle, à l’aide de quelques planches, un barrage de fortune. Puis comme il faut prévoir la cessation du prodige, le Prieur fait placer sur la table aux trois quarts consumée une planche avec un corporal et quelques cierges. On affiche de nouveau le Bref papal et la lettre épiscopale.
Enfin les Religieux décident d’envoyer quérir les Pères Capucins de Vesoul qui ont renom de science et de piété afin, dit un témoin, « d’avoir consolation sur ce qu’ils devaient faire ».
Les Capucins n’arriveront que dans la soirée: ils vont à pied et il y a 19 km de Vesoul à Faverney.
Par contre à l’église abbatiale, paysans et bourgeois, curés en tête, arrivent de plus en plus nombreux des villages environnants.
Alors, au cours de l’après-midi se produit un incident, qui est à noter. La foule est maintenant considérable dans l’église et sa pression contre la grille du Chœur se fait si forte, par instants, que les Moines éprouvent des craintes pour l’Ostensoir miraculeux : il est en effet très proche de la grille et semble même la toucher par un des bras de sa petite croix. Pour renforcer le barrage de planches établi le matin, on amène une longue poutre, mais l’opération est menée maladroitement, la lourde pièce de bois heurte brutalement la grille qui chancelle et s’écarte. Incident providentiel on constate alors l’absolue immobilité de l’Ostensoir ; la preuve est faite et il y en aura d’autres, qu’il n’est retenu aux barreaux d’aucune manière.
Les Capucins surviennent une heure avant les Vêpres et de suite en présence des témoins qui sont maintenant des milliers ils procèdent à leur enquête sur laquelle nous reviendrons car ses conclusions ont été consignées dans le Procès-verbal des enquêteurs épiscopaux qui arriveront les jours suivants.
Avant le chant des Vêpres, le Père Gardien conseille de placer un missel sous le corporal qui recouvre la table, afin de diminuer la distance entre ce reposoir provisoire et l’Ostensoir miraculeux.
Une troisième fois la nuit survient, mais cette fois une foule priante et qui sans cesse se renouvelle entoure le Saint Sacrement.

Fin du miracle

Mardi 27 Mai. – Les P.P. Capucins et les Religieux de l’Abbaye ont rédigé de bonne heure un Mémoire qui sera envoyé sans tarder à l’Archevêque de Besançon afin de porter les faits à sa connaissance et de les soumettre à son jugement.
Cependant, pendant toute la matinée, des Messes, célébrées par des Curés voisins, se succèdent au Maître-autel après la Messe conventuelle. Vers 10 heures, c’est le tour de Messire Nicolas Aubry, curé de Menoux, village situé à 5 km de Faverney.
Après le Sanctus de cette Messe, l’un des cierges qui brûlent sur le reposoir s’éteint. Dom Jean Garnier le rallume. Mais coup sur coup le même incident se répète une seconde et une troisième fois sans cause apparente.
Tous les regards se portent alors vers l’Ostensoir. Or au moment où le Curé de Menoux procède à l’élévation de l’Hostie qu’il vient de consacrer, on perçoit comme le son d’une lame d’argent vibrante et on voit l’Ostensoir se redresser d’abord puis, de lui-même, « se couler doucement » disent les témoins et se poser sur le Corporal « tout aussi proprement que s’il y fût révéremment posé par un homme d’Église. »
Ainsi prend fin, après 33 heures, ce prodige et de façon aussi extraordinaire qu’il avait débuté. Cela en plein jour, à 10 heures du matin, aux yeux d’une foule qui n’avait pas ses yeux dans sa poche et évaluée à cet instant par un témoin à un millier de personnes.