19 mars — Saint Joseph, époux de la Bse Vierge Marie

Le mot de Bossuet

Ne me demandez pas, chrétiens, ce que faisait saint Joseph dans sa vie cachée : il n’a rien fait. En effet, il n’a rien fait pour les yeux des hommes, parce qu’il a tout fait pour les yeux de Dieu. C’est ainsi que vivait le juste Joseph. Il voyait Jésus-Christ, et il se taisait : il le goûtait, et il n’en parlait point ; il se contentait de Dieu seul, sans partager sa gloire avec les hommes. Il accomplissait sa vocation, parce que, comme les apôtres sont les ministres de Jésus-Christ découvert, Joseph était le ministre et le compagnon de sa vie cachée.

Sermon pour la fête de saint Joseph

Sur la fidélité de saint Joseph (19 mars 2011)

Vie de Saint Joseph d’après les Évangiles et la Tradition (Bénédictins de Paris)

Nous ne trouvons aucun renseignement sur l’origine et les premières années du patriarche Joseph. Le nom figure dans la généalogie du Sauveur, et saint Luc (3, 23) a soin de faire remarquer que, selon l’expression, Jésus passait pour être le fils de Joseph. Celui-ci, remarque saint Matthieu (1, 20), était de la descendance de David, puis époux de Marie de laquelle est né Jésus. Charpentier de son état, c’était un homme juste, fidèle observateur de la Loi mosaïque ; il habitait Nazareth.

Le titre de gloire de Joseph sur lequel les évangélistes insistent avec plus de complaisance, c’est qu’il était l’époux de Marie, qui sans cesser d’être vierge est devenue mère par l’opération du Saint-Esprit. Et pour que Joseph n’ignore rien de cet adorable mystère qui s’est accompli en celle qui lui a été donnée pour épouse, un ange vient du ciel pour le rassurer. « Joseph, fils de David, lui dit-il, ne crains point de prendre avec toi Marie, ton épouse, car ce qui est formé en elle est l’ouvrage du Saint-Esprit. Et elle enfantera un fils, tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple du péché. » Joseph qui avait pu concevoir quelque inquiétude au sujet du grand mystère, n’eut plus désormais d’autre souci que d’exécuter les ordres du ciel. Réveillé de son sommeil, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait commandé ; il prit avec lui Marie son épouse. Mais respectueux du trésor qui lui était confié, il fut le gardien de la virginité de Marie. Son rôle fut de veiller sur la mère et l’enfant avec toute l’autorité d’un père de famille, mais avec une docilité inviolable aux ordres venus du ciel. Nous le trouvons constamment aux côtés de Marie pour l’accompagner à Bethléem où s’accomplissent les mystères de la naissance du Fils de Dieu et de sa circoncision. Il donne à l’enfant le nom de Jésus, suivant ce qui lui a été prescrit ; il le porte au temple avec Marie, au temps marqué pour accomplir la Loi du Seigneur concernant la purification de la mère et la présentation de l’enfant ; sur un ordre du ciel, il fuit en Égypte, et part immédiatement sans la moindre hésitation ; il reste sur la terre d’exil jusqu’à ce que l’ange l’invite au retour. Toujours sur l’avis du ciel, il se retire en Galilée dans son humble demeure de Nazareth, car les prophètes ont annoncé que Jésus serait appelé Nazaréen.

Lorsque Jésus atteint sa douzième année, la vigilance de Joseph est mise à l’épreuve ; trois jours durant, avec Marie, il doit chercher le divin Enfant dont il a la garde ; il le retrouve enfin dans le temple au milieu des docteurs, et c’est Marie qui se fait l’interprète de la peine profonde que cet incident lui causa. Le silence de Joseph dans cette circonstance nous est une nouvelle preuve de la docilité avec laquelle il reçut toujours l’expression des volontés divines. Les années du séjour de Jésus à Nazareth se résument en ces quelques mots qui nous révèlent la dignité et le bonheur de Joseph : « Et Jésus leur était soumis. »

Joseph mourut sans nul doute avant l’époque où Jésus commença sa vie publique, mais sur cette mort nous n’avons aucun détail ni dans l’Évangile, ni dans la tradition. Du langage des évangélistes, a écrit saint François de Sales (Amour de Dieu, 7, 13) : « On ne peut quasiment pas bonnement douter que le grand saint Joseph ne fût trépassé avant la passion et la mort du Sauveur qui, sans cela, n’eût pas recommandé sa Mère à saint Jean. » L’opinion commune est que le saint patriarche mourut au commencement de la vie publique de Jésus. Il s’éteignit doucement entre les bras de Jésus et de Marie. Une tradition respectable, acceptée par l’Église, dit que ce fut le 19 mars.

Fut-ce à Nazareth, où il passa la plus grande partie de sa vie ? Une opinion probable le soutient. Cependant des auteurs affirment que ce fut à Jérusalem, où il s’était transporté avec Jésus et Marie pour les fêtes de Pâques. Saint Bède le Vénérable reproduisant une croyance très ancienne, affirme que son corps fut enseveli dans la vallée de Josaphat. Sur l’âge de saint Joseph, on ne peut faire que des conjectures. Saint Épiphane a écrit qu’au moment de son mariage avec la très vierge Marie, Joseph était déjà un vieillard. Mais le plus grand nombre des Pères et des docteurs affirment, avec beaucoup de vraisemblance, qu’il était alors un homme dans la force de l’âge, entre trente et quarante ans.

Sanctification, prérogatives et vertus de Saint Joseph (Bénédictins de Paris)

Sanctification

On ne peut douter que Dieu, dans sa Providence, n’ait préparé le patriarche Joseph, par des grâces spéciales, à la mission qu’il devait remplir sur la terre et aux prérogatives dont il serait revêtu. Cependant on ne peut pas dire que Joseph ait été conçu sans péché, son âme à l’origine a été privée de la grâce et de l’habitation de la Sainte Trinité. Parmi les pures créatures, l’âme de Marie échappa seule à cette loi de la souillure originelle. Mais Joseph n’aurait-il pas été, à l’exemple de Jérémie et de Jean-Baptiste, sanctifié dans le sein de sa mère ? Des auteurs comme Gerson, Isidore de Lille, Bernardin de Busto l’ont pensé et ont appuyé leur sentiment sur des raisons de convenance. Saint Ligori a signalé cette opinion en des termes qui semblent l’appuyer. Saint Thomas d’Aquin leur répond qu’il ne convient pas d’étendre ce privilège à des personnages dont l’Écriture ne fait pas une mention expresse. D’ailleurs, l’Église n’a rien dit à ce sujet et, d’après Benoît XIV, ce sentiment pieux n’a pas en théologie, de fondement ferme et stable. L’expression cum esset iustus de l’Évangile, sur laquelle on a voulu s’appuyer, s’entend d’une justice au sens général. Il restera donc que l’âme de Joseph fut, de bonne heure, purifiée de la tache originelle, enrichie de la grâce sanctifiante suivant le rite de la circoncision institué par Dieu sous l’Ancien Testament. Le nom qu’il reçut représentait pour lui les plus saints et les plus riches accroissements de la grâce. Sans éteindre en lui le foyer de la concupiscence, Dieu le comprima, le lia en quelque façon et cette âme, venant à l’âge de discrétion, se porta comme d’elle-même vers son Créateur pour l’adorer, l’aimer, lui obéir en tout. Comme l’ancien patriarche Joseph dont la Sagesse fait l’éloge (Sap 10, 13, 14), l’époux de Marie ne commit jamais le péché. De là vint une somme immense de grâces auxquelles il coopéra fidèlement et qui furent pour lui une source de mérites.

Prérogatives

Joseph fut l’époux de Marie. — Il fut uni à la très sainte Vierge par un vrai mariage : les expressions du saint Évangile ne nous permettent pas d’en douter, quoiqu’il y ait dans ce mariage établi sur le double vœu de virginité de Marie et de Joseph un spectacle qui étonne la nature. C’est ce que Bossuet, dans son premier panégyrique de saint Joseph a fait admirablement ressortir : « Ce fut, dit-il, un mariage céleste, destiné par la Providence à protéger la virginité et donner par ce moyen Jésus­-Christ au monde. L’incomparable saint Augustin remarque avant tout trois liens dans le mariage : a) le sacré contrat par lequel ceux que l’on unit se donnent entièrement l’un à l’autre ; b) l’amour conjugal par lequel ils se vouent mutuellement un cœur qui n’est plus capable de se partager et qui ne peut brûler d’autres flammes ; c) enfin les enfants qui sont un troisième lien, parce que l’amour des parents venant pour ainsi dire à se rencontrer dans ces fruits communs de leur mariage, l’amour se lie par un nœud plus ferme. Et saint Augustin trouve ces trois liens dans le mariage de saint Joseph où tout concourt à garder la virginité.

« Il y a : a) le Sacré Contrat par lequel ils se sont donnés l’un à l’autre ; et c’est là qu’il faut admirer le triomphe de la pureté dans la vérité de ce mariage. Car Marie appartient à Joseph, et Joseph à la divine Marie ; si bien que leur mariage est très véritable, parce qu’ils se sont donnés l’un à l’autre. Ils se donnent réciproquement leur virginité ; sur cette virginité, ils se cèdent un droit mutuel… Ce sont deux virginités qui s’unissent pour se conserver éternellement l’une à l’autre par une chaste correspondance de désirs pudiques, et, il me semble que je vois deux astres qui n’entrent ensemble en conjonction qu’à cause que leurs lumières s’allient. Nœud, d’autant plus ferme, dit saint Augustin, que les promesses qu’ils se sont données doivent être plus inviolables en cela même qu’elles sont plus saintes.

« Il y a : b) l’amour conjugal des deux conjoints. Sainte Virginité, vos flammes sont d’autant plus fortes qu’elles sont plus pures et plus dégagées, le feu de la convoitise qui est allumé dans nos corps ne peut jamais égaler l’ardeur des chastes embrassements des esprits que lie ensemble l’amour de la pureté. Un grand miracle rapporté par saint Grégoire de Tours (Hist. Franc., I, 42), établira cette vérité : Deux personnes de condition et de la première noblesse d’Auvergne ayant vécu dans le mariage avec une continence parfaite, passèrent à une vie plus heureuse et leurs corps furent inhumés en deux places assez éloignées. Mais il arriva une chose assez étrange : ils ne purent pas demeurer longtemps dans cette dure séparation, et tout le monde fut étonné qu’on trouvât tout à coup leurs tombeaux réunis sans que personne y eût mis la main… Dieu permit qu’ils se rapprochassent pour nous montrer par cette merveille, que les flammes où la convoitise se mêle ne sont pas les plus belles, mais que deux virginités bien unies par un mariage spirituel en produisent de bien plus fortes et qui peuvent, ce semble, se conserver sous les cendres mêmes de la mort. Cet amour spirituel ne s’est jamais trouvé si parfait que dans le mariage de saint Joseph : l’amour y était tout céleste puisque toutes ses flammes et tous ses désirs ne tendaient qu’à conserver la virginité.

« Il y a enfin : c) le fruit sacré de ce mariage. Je veux dire le Sauveur Jésus. Mais, direz-vous, nous comprenons bien que l’incomparable Joseph est père de Jésus-Christ par ses soins, nous savons aussi qu’il n’a point de part à sa bienheureuse naissance. Comment donc nous assurez-vous que Jésus est le fruit de ce mariage ? Cela peut paraître impossible. Il faut bien accorder cependant que Jésus, ce béni enfant, est sorti en quelque manière de l’union virginale de ces deux époux. Nous avons dit ailleurs que c’est la virginité de Marie qui a attiré Jésus­-Christ du ciel. Jésus est donc le fruit bienheureux que la virginité a produit. Il est, a dit saint Fulgence, le fruit, l’ornement, le prix et la récompense de la sainte virginité. C’est à cause de sa pureté que Marie a plu au Père éternel, que le Saint-Esprit s’est répandu sur elle. Mais, s’il en est ainsi, je ne craindrai plus d’assurer que Joseph a eu part à ce grand miracle. Car si cette pureté angélique est le bien de la divine Marie, elle est le dépôt du juste Joseph, bien plus elle est le bien du chaste Joseph, par son mariage, par les chastes soins par lesquels il l’a conservée. Cette féconde virginité, Marie l’a vouée, Joseph la conserve ; tous deux la présentent au Père éternel comme un bien gardé par leurs soins communs. Comme Joseph a tant de part à la virginité de Marie, il en prend aussi au fruit qu’elle porte ; c’est pourquoi Jésus est son Fils, non pas à la vérité par la chair, mais par l’esprit, à cause de l’alliance virginale qui le joint à sa Mère. Honorons cette sainte virginité qui nous a donné le Sauveur, qui a rendu sa Mère féconde, qui a fait que Joseph a eu sa part de cette fécondité bienheureuse. »

Joseph fut le Père de Jésus. — Saint Augustin expliqué par Bossuet vient de nous faire saisir tout ce qu’il y a de profondément vrai dans ce titre et cette prérogative de Joseph : l’expression est à diverses reprises donnée dans les Évangiles, Marie s’en sert, quand elle s’adresse à Jésus retrouvé dans le temple. Bossuet va nous dire tout ce que contient de vérité cette autre expression de saint Augustin : « Joseph est père d’autant plus assurément qu’il l’est d’une façon plus chaste. » « Jésus, ce divin enfant sur lequel Joseph a toujours les yeux et qui fait l’aimable sujet de ses inquiétudes est né sur la terre comme un orphelin, et il n’a point de père en ce monde. Il est vrai qu’il en a un dans le ciel, mais à voir comme il l’abandonne, il semble que ce Père ne le connaît plus. Il s’en plaindra un jour sur la croix : mais ce qu’il a dit en mourant, il pouvait le dire dès sa naissance, puisque dès ce premier moment, ce Père du ciel l’expose aux persécutions et commence à l’abandonner aux injures. Tout ce qu’il fait, c’est de le mettre en la garde d’un homme mortel qui conduira sa pénible enfance, et Joseph est choisi pour ce ministère. Depuis ce temps-là Joseph ne vit plus que pour Jésus, il prend pour ce Jésus un cœur et des entrailles de père ; ce qu’il n’est pas par nature, il le devient par affection. Aussi bien, dit saint Jean Chrysostome, si nous parcourons l’Évangile, nous y trouvons que partout Joseph y paraît en Père : il donne le nom à Jésus, ·comme les pères le donnaient alors à leurs enfants ; c’est lui seul que l’ange avertit des périls de l’enfant pour qu’il le protège : Jésus le révère comme tel et lui obéit. Tout ce qui appartient à un père sans que la virginité soit intéressée, Dieu le donne à Joseph : il fait en quelque sorte couler dans le sein de Joseph quelque rayon ou quelque étincelle de l’amour infini qu’il a pour son Fils : c’est ce qui lui change le cœur, si bien que le juste Joseph qui sent en lui­-même un cœur paternel formé par la main de Dieu, sent aussi que Dieu lui ordonne d’user d’une autorité paternelle. »

Vertus

On pourrait passer en revue toutes les vertus, et l’on verrait qu’elles brillèrent toutes en Joseph : la foi en la parole de l’ange qui pour calmer son trouble lui révèle le mystère de l’Incarnation, qui l’avertit du péril et lui ordonne de fuir en Égypte ; l’espérance et la confiance inébranlable dans la Providence ; la charité envers Dieu le Père qui se traduit dans une obéissance à tous les décrets divins ; envers Jésus et Marie à qui appartiennent tous les instants de sa vie. Mais, dit encore Bossuet, ce sont les vertus particulières qu’il importe de considérer dans le juste Joseph :

Simplicité ou droiture de cœur et pureté d’intention. — Joseph surpasse la foi d’Abraham louée dans les saintes lettres pour avoir cru l’enfantement d’une stérile. Joseph a cru celui d’une vierge et il a reconnu en simplicité cet impénétrable mystère de la virginité féconde.

Détachement. — Le juste Joseph a Dieu dans sa maison et entre ses mains, mais il s’est rendu digne d’un si grand trésor par un détachement sans réserve, car il est détaché de ses passions, de son intérêt, de son propre repos.

Amour de la vie cachée. — Mystère admirable. Joseph a dans sa maison de quoi attirer les yeux de toute la terre et le monde ne le connaît pas ; il possède un Dieu homme et il n’en dit mot ; il est témoin d’un si grand mystère, et il le goûte en secret sans le divulguer. Nul autre que lui ne pouvait rendre meilleur témoignage du mystère de Jésus-Christ, lui qui en était le dépositaire, qui savait le miracle de sa naissance, que l’ange avait si bien instruit de sa dignité. Quel père ne parlerait pas d’un fils si aimable ? Et cependant rien n’est capable d’ouvrir sa bouche pour découvrir le secret qui lui a été confié. Ainsi, Joseph a mérité les plus grands honneurs, parce qu’il n’a jamais été touché de l’honneur ; l’Église n’a rien de plus illustre, parce qu’elle n’a rien de plus caché (Second panégyrique de saint Joseph).

L’annonciation à Saint Joseph (Mt 1, 18-21) : commentaire de Saint Bernard

Il était nécessaire que Marie fut fiancée à Joseph, puisque c’était le moyen de soustraire aux chiens un saint mystère, de faire constater par son propre époux la virginité de Marie, et de ménager en même temps la pudeur et la réputation de la Vierge. Est-il rien de plus sage, rien de plus digne de la divine providence ? Par ce moyen, les secrets desseins de Dieu ont un témoin, se trouvent soustraits à la reconnaissance de l’ennemi, et l’honneur de la Vierge mère est conservé sans tache. Autrement Joseph aurait-il été juste en épargnant l’adultère ? Or il est écrit : « Joseph son mari, étant un homme juste et ne voulant pas la déshonorer en la traduisant en justice, résolut de la renvoyer en secret » (Mt 1, 19). Ainsi, c’est parce qu’il était juste qu’il ne voulut point la traîner en justice ; mais de même qu’il n’eût point été juste, si, connaissant la faute de Marie il l’avait dissimulé ainsi il n’est point juste non plus, si, connaissant son innocence, il l’eût néanmoins condamnée. Comme il était juste et qu’il ne voulait point la traduire devant les juges, il résolut de la renvoyer en secret.

Mais, pourquoi voulut-il la renvoyer ? Écoutez sur ce point, non pas ma propre pensée, mais la pensée des Pères. Si Joseph voulut renvoyer Marie, c’était dans le même sentiment qui faisait dire à saint Pierre, quand il repoussait le Seigneur loin de lui : « Éloignez-vous de moi car je suis un pécheur » (Lc 5, 8), et au centurion, quand il dissuadait le Sauveur de venir chez lui : « Seigneur je ne suis pas digne que vous veniez dans ma maison » (Mt 8, 8). C’est donc dans cette pensée que Joseph aussi, se jugeant indigne et pécheur, se disait à lui-même, qu’il ne devait pas vivre plus longtemps dans la familiarité d’une femme si parfaite et si sainte, dont l’admirable grandeur le dépassait tellement et lui inspirait de l’effroi. Il voyait avec une sorte de stupeur à des marques certaines qu’elle était grosse de la présence d’un Dieu, et, comme il ne pouvait pénétrer ce mystère, il avait formé le dessein de la renvoyer. La grandeur de la puissance de Jésus inspirait une sorte d’effroi à Pierre, comme la pensée de sa présence majestueuse déconcertait le centurion ; ainsi Joseph, n’étant que simple mortel, se sentait également déconcerté par la nouveauté d’une si grande merveille et par la profondeur d’un pareil mystère ; voilà pourquoi il songea à renvoyer secrètement Marie. Faut-il vous étonner que Joseph se soit trouvé indigne de la société de la Vierge devenue grosse, quand on sait que sainte Élisabeth ne put supporter sa présence sans une sorte de crainte mêlée de respect ? En effet, « d’où me vient, s’écria-t-elle, ce bonheur, que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? » (Lc 1, 43) Voilà donc pourquoi Joseph voulait la renvoyer. Mais pourquoi avait-il l’intention de le faire en secret, non point ouvertement ? De peur, sans doute, qu’on ne lui demandât la cause de ce divorce et qu’il ne fût obligé d’en faire connaître le motif. En effet, qu’est-ce que cet homme juste aurait pu répondre à un peuple à la tête dure, à des gens incrédules et contradicteurs ? S’il leur avait dit ce qu’il pensait, et la preuve qu’il avait de la pureté de Marie ? est-ce que les Juifs incrédules et cruels ne se seraient point moqués de lui et n’auraient point lapidé Marie ? Comment, en effet, auraient-ils cru à la Vérité muette encore dans le sein de la Vierge, eux qui ont méprisé sa voix quand elle leur parlait dans le temple ? À quels excès n’auraient-ils pas osé se porter contre celui qu’ils ne pouvaient pas voir encore, quand ils ont pu porter des mains impies sur sa personne resplendissante alors de l’éclat des miracles ? C’est donc avec raison que cet homme juste, pour ne point être dans l’alternative, ou de mentir, ou de déshonorer une innocente, prit le parti de la renvoyer en secret.

Si quelqu’un pense et soutient que Joseph eut le soupçon que tout autre homme aurait eu à sa place, mais que, comme il était juste, il ne voulut point habiter avec Marie, à cause de ses doutes mêmes, et que c’est parce qu’il était bon qu’il ne voulait point la traduire en justice, quoiqu’il la soupçonnât d’être coupable, et qu’il songeait à la renvoyer en secret ; je répondrai en deux mots qu’il faut pourtant reconnaître que les doutes de Joseph, quels qu’ils fussent, méritent d’être dissipés par un miracle d’en haut. Car il est écrit que comme il était dans ces pensées, c’est-à-dire pendant qu’il songeait à renvoyer Marie, un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne craignez point de retenir avec vous Marie, votre épouse, car ce qui est né en elle est l’œuvre du Saint-Esprit » (Mt 1, 20). Voilà donc pour quelles raisons Marie fut fiancée à Joseph, ou plutôt, selon les expressions de l’Évangéliste « à un homme appelé Joseph » (Lc 1, 27). Il cite le nom même de cet homme, non pas parce qu’il fut son mari, mais parce qu’il était un homme de vertu, ou plutôt d’après un autre Évangéliste (Mt, 1), il n’est point simplement un homme, mais il est appelé son mari ; il était juste qu’il fût désigné par le titre même qui devait nécessairement paraître lui appartenir. Ainsi il dut être appelé son mari parce qu’il fallait qu’on crût qu’il l’était effectivement. De même il mérita d’être appelé le père du Sauveur, quoiqu’il ne le fût pas effectivement, afin qu’on crût qu’il l’était, comme l’Évangéliste remarque qu’on le croyait en effet : « Quant à Jésus, dit-il, il entrait dans sa douzième année, et passait pour être le fils de Joseph » (Lc 3, 23). Il n’était donc en réalité ni le mari de la mère, ni le père du Fils, quoique par une certaine et nécessaire disposition, comme je l’ai dit plus haut, il reçut pendant un temps les noms de père et d’époux et fut regardé comme étant l’un et l’autre en effet.

Mais d’après le titre de père de Dieu que Dieu même voulut bien qu’on lui donnât et qu’on crût pendant quelque temps lui appartenir, et d’après son propre nom qu’on ne peut hésiter à regarder aussi comme un honneur de plus, on peut se faire une idée de ce que fut cet homme, ce Joseph. Rappelez-vous maintenant le patriarche de ce nom qui fut vendu en Égypte ; non seulement il portait le même nom, mais encore il eut sa chasteté, son innocence et sa grâce. En effet, le Joseph qui fut vendu par ses frères qui le haïssaient et conduit en Égypte, était la figure du Christ qui, lui aussi, devait être vendu ; notre Joseph, de son côté, pour fuir la haine d’Hérode, porta le Christ en Égypte (Mt 2, 14), Le premier, pour demeurer fidèle à son maître, ne voulut point partager le lit de sa maîtresse (Gn 39, 12) ; le second, reconnaissant sa maîtresse dans la mère de son Seigneur, la vierge Marie, observa lui-même fidèlement les lois de la continence. À l’un fut donnée l’intelligence des songes, à l’autre il fut accordé d’être le confident des desseins du ciel et d’y coopérer pour sa part. L’un a mis le blé en réserve non pour lui, mais pour son peuple ; l’autre reçut la garde du pain du ciel non seulement pour son peuple, mais aussi pour lui. On ne peut douter que ce Joseph, à qui fut fiancée la mère du Sauveur, n’ait été un homme bon et fidèle, ou plutôt le serviteur même fidèle et prudent que le Seigneur a placé près de Marie pour être le consolateur de sa mère, le père nourricier de son corps charnel et le fidèle coopérateur de sa grande œuvre sur la terre. Ajoutez à cela qu’il était de la maison de David, selon l’Évangéliste ; il montra qu’il descendait en effet de cette source royale, du sang même de David, ce Joseph, cet homme noble par sa naissance ; mais plus noble encore par le cœur. Oui, ce fut un digne fils de David, un fils qui n’était point dégénéré de son père ; mais quand je dis qu’il était un digne fils de David, je dis non seulement selon la chair, mais pour sa foi, pour sa sainteté et pour sa dévotion. Dieu le trouva en effet comme son aïeul David un homme selon son cœur, puisqu’il lui confia son plus saint mystère, lui révéla les secrets les plus cachés de sa sagesse, lui fit connaître une merveille qu’aucun des princes de ce monde n’a connu, lui accorda la grâce de voir ce dont la vue fut ardemment désirée mainte fois par une foule de rois et de prophètes, d’entendre celui qu’ils n’ont point entendu ; non seulement il lui fut donné de le voir et de l’entendre, mais il eut l’honneur de le porter dans ses bras, de le conduire par la main, de le presser sur son cœur, de le couvrir de baisers, de le nourrir et de veiller à sa garde. Il faut croire que Marie ne descendait pas moins que lui de la maison de David, car elle n’aurait point été fiancée à un homme de cette royale lignée, si elle n’en eût point été elle-même. Ils étaient donc l’un et l’autre de la famille royale de David ; mais ce n’est qu’en Marie que se trouva accomplie la promesse véridique que le Seigneur avait faite à David, Joseph ne fut que le témoin et le confident de son accomplissement.

Prières

Oratio

Sanctíssimæ Genetrícis tuæ Sponsi, quæsumus. Dómine, méritis adiuvémur : ut, quod possibílitas nostra non óbtinet, eius nobis intercessióne donétur : Qui vivis.

Oraison

Faites Seigneur, que les mérites de l’Époux de votre Mère très sainte nous viennent en aide ; afin que les grâces que nous ne pouvons obtenir par nous-mêmes nous soient accordées par son intercession.

Prière à saint Joseph pour obtenir la grâce d’une bonne mort

Grand Saint Joseph, qui êtes le modèle, le patron et le consolateur des mourants, je vous demande aujourd’hui votre protection pour le dernier instant de ma vie, pour ce moment terrible où je ne sais si j’aurai la force de vous appeler à mon aide. Faites, je vous en conjure, que je meure de la mort des justes.

Mais afin que je puisse espérer une si grande grâce, obtenez-moi de vivre, comme vous, en la présence de Jésus et de Marie et de ne jamais blesser leurs regards par la tache hideuse du péché.

Que je meure, dès ce moment, à moi-même, à mes passions, à mes désirs terrestres, à tout ce qui n’est pas Dieu, afin de vivre uniquement pour celui qui a donné sa vie pour moi.

Jésus, Marie, Joseph, assistez-moi dans mes derniers moments, soutenez-moi, défendez-moi contre les assauts du démon et accordez-moi d’expirer saintement.

Prière du Pape Léon XIII à saint Joseph

Nous recourons à vous dans notre tribulation, ô bienheureux Joseph, et, après avoir imploré le secours de votre très sainte épouse, nous sollicitons aussi avec confiance votre patronage.

Par l’affection qui vous a uni à la Vierge immaculée, Mère de Dieu ; par l’amour paternel dont vous avez entouré l’Enfant Jésus, nous vous supplions de regarder avec bonté l’héritage que Jésus-Christ a conquis au prix de son sang, et de nous assister de votre puissance et de votre secours dans nos besoins.

Protégez, Ô très sage gardien de la divine Famille, la race élue de Jésus-Christ ; Préservez-nous, ô Père très aimant, de toute souillure d’erreur et de corruption ; soyez-nous favorable, ô notre très puissant libérateur.

Du haut du ciel assistez-nous dans le combat que nous livrons à la puissance des ténèbres ; et, de même que vous avez arraché autrefois l’Enfant Jésus au péril de la mort, défendez aujourd’hui la sainte Eglise de Dieu des embûches de l’ennemi et de toute adversité.

Couvrez chacun de nous tous de votre perpétuelle protection, afin que, soutenus par votre secours, nous puissions vivre saintement, pieusement mourir et obtenir la béatitude éternelle du Ciel. Ainsi soit-il.

Antiennes

Ã. Missus est Gabrihel Ángelus ad Maríam Vírginem desponsátam Ioseph.

Ã. L’Ange Gabriel fut envoyé à la Vierge Marie, l’épouse de Joseph.

Antienne grégorienne “Missus est”

Antienne Missus est

Ã. Ioseph, fili David, noli timére accípere Maríam cóniugem tuam : quod enim in ea natum est, de Spíritu Sancto est.

Ã. Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ton Épouse ; car ce qui est né en Elle vient du Saint-Esprit.

Antienne grégorienne “Ioseph, fili David”

Antienne Ioseph fili David

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