Lundi de la Passion

Lundi de la Passion

Lundi de la Passion

Le mot de Dom Delatte

Venir au Seigneur, c’est reconnaître en lui le Fils de Dieu ; avoir soif, c’est porter en soi une âme religieuse et désireuse de justice.

Jonas et les ninivites (Ion 3, 1-10) : commentaire de Dom de Monléon

Commentaire littéral

Ninive, où Jonas avait ordre de se rendre, était une grande ville de trois jours de marche, c’est-à-dire qu’il fallait trois jours pour en faire le tour à pied. D’après l’Écriture, c’était l’une des plus anciennes cités du globe, et elle avait été fondée par un certain Assur, fondateur de la puissance assyrienne, et plus connu des auteurs de l’antiquité sous le nom de Ninus (Gn 10, 11).

Jonas, étant entré dans la ville, la parcourut en tous sens pendant une journée entière, clamant et répétant inlassablement la phrase que Dieu lui avait dite : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »

Comment serait-elle détruite ?… Il ne précisait pas, il n’en savait rien lui-même. Mais il y avait dans le ton de sa voix une conviction tellement ferme, une autorité si absolue, que tous ceux qui l’entendaient en furent bouleversés. Brusquement, une émotion indicible s’empara de la ville entière, un véritable ouragan de repentir se déchaîna dans ses murs. Les habitants comprirent que l’homme qu’ils avaient devant eux n’était ni un fou, ni un énergumène, ni un illuminé. C’était manifestement un serviteur de Dieu, et ce qu’il annonçait était très grave : une catastrophe terrible allait certainement s’abattre sur la cité, juste rétribution des désordres et des turpitudes qui la déshonoraient depuis des années. Alors, dans un bel élan, ils crurent en Dieu, dit l’Écriture (in Deum). Remarquons cette expression : l’auteur sacré ne dit pas qu’ils crurent à Dieu, c’est-à-dire à la vérité de ce que Dieu leur faisait annoncer par son Prophète. Ils crurent en Dieu. « Croire en Dieu, explique Saint Thomas, est plus efficace et signifie davantage que croire à Dieu ; c’est mettre en Lui non seulement sa foi, mais son espérance, et toute sa confiance, accompagnée d’amour ; c’est se livrer, avec tout ce que l’on possède, à sa Providence, tout lui abandonner, et s’en remettre à Lui seul du soin de son salut ».

Les Ninivites, en croyant à la prédication de Jonas, crurent par le fait, d’abord, à Dieu, c’est-à-dire à sa toute-puissance et à la vérité de la menace qu’il leur adressait. Mais, en même temps, ils crurent en Dieu : avec cette intuition que donne la présence d’un danger imminent, ils pressentirent que le délai de 40 jours qui leur était départi, laissait place à la miséricorde. Si Dieu avait été décidé à les perdre inexorablement, le châtiment se serait abattu sur eux sans préavis, comme il était advenu jadis pour Sodome et pour Gomorrhe. Sous la colère qui tonnait, ils devinèrent la bonté qui se cachait, toute prête à intervenir s’ils lui en donnaient l’occasion. Alors, sans hésiter, ils commencèrent par jeter bas leurs idoles, après quoi « ils publièrent un jeûne public et se vêtirent de sacs depuis le plus grand jusqu’au plus petit », afin d’expier par là leurs péchés de vanité et de sensualité.

« La chose parvint jusqu’au roi ». Ces mots montrent que le mouvement de repentance avait commencé par le peuple ; ce ne fut pas la conversion du monarque qui le déclencha. Un vent de remords et de repentir passa sur la ville : humblement, les habitants reconnurent leurs fautes, et résolurent de racheter leur conduite scandaleuse par le jeûne et la pénitence. La sincérité de ce sentiment ne saurait être mise en doute, puisque Dieu en fut touché et que, plus tard, dans l’Évangile, Notre Seigneur évoquera l’exemple des Ninivites pour faire honte à ses concitoyens.

Le roi alors régnant fut vivement impressionné en apprenant ce que clamait Jonas. « Il se leva, descendit de son trône, dépouilla ses ornements royaux, se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre ». En hâte, il envoya des hérauts à travers la ville, pour publier en son nom, et avec l’approbation des principaux officiers de sa cour, car, dit Dom Calmet, dans les affaires de conséquence, il ne suffisait pas que le roi ordonnât : il fallait que les grands y concourussent ; alors les arrêts étaient irrévocables et les Ordonnances sans appel. Le roi cependant ne se contentait pas de cette pénitence spectaculaire. Il demandait aussi un sincère repentir des cœurs et un complet changement de vie. Mais il y joignait en même temps une magnifique confiance en la miséricorde infinie de Dieu, qui ne pouvait laisser insensible la tendresse du Père céleste. C’est pourquoi Dieu pardonna : Il vit leurs œuvres, dit l’Écriture. « Il vit qu’ils étaient revenus de leurs voies mauvaises, et Il se repentit du mal qu’Il avait dit qu’Il leur ferait, et Il ne le fit pas. »

Commentaire moral et mystique

La mission de Jonas à Ninive montre, contrairement à ce que pensaient les Juifs, que Dieu veut le salut de tous les hommes.

Au sens allégorique, le départ de Jonas pour la grande métropole païenne, après avoir passé trois jours dans le ventre de la baleine et en être sorti miraculeusement, représente la prédication du collège apostolique, sortant de la Judée après la mort et la résurrection du Sauveur pour commencer sa mission. La première prédication de l’Évangile, celle que le Christ accomplit par Lui-même, ne dépassa pas les frontières de la Judée. Mais ensuite, les Apôtres, ministres du Verbe – comme Jonas –, portèrent la divine parole au milieu de la Gentilité. Et leur prédication consistait à dire aussi : Encore quarante jours et Ninive sera détruite, c’est-à-dire : « Profitez du délai de la vie présente que symbolise le chiffre quarante : Dieu vous le laisse pour faire pénitence ».

Jésus, source de vie (Io 7, 37-39) : commentaire de Dom Delatte

Cet enseignement du Seigneur fut donné le dernier jour de la fête [des Tabernacles], le huitième probablement (Lv 23, 36), qui était particulièrement solennel et avait pour dessein de rappeler l’entrée dans la terre promise. Le temple de Jérusalem n’avait pas d’eau vive. Durant chacun des jours de fête, le prêtre se rendait, avec une procession nombreuse, à la piscine de Siloé, au pied de la colline d’Ophel. Il y puisait, avec une urne d’or, de l’eau qu’il reportait au temple et versait au pied de l’autel des holocaustes, tandis que les chœurs chantaient le Hallel (Psaumes 113 à 117). Ainsi, la fête des Tabernacles était une réédition symbolique de ce qui s’était passé au désert : les tentes, l’eau jaillie du rocher sous la baguette de Moïse. Peut-être l’eau avait-elle aussi une signification présente : elle devait être offerte à Dieu et obtenir sa bénédiction pour les semailles nouvelles ; mais elle avait sûrement une signification prophétique, comme nous l’apprend le Seigneur lui-même. À l’occasion d’un rite liturgique, bien connu des foules, il reprend et complète l’enseignement déjà donné à la Samaritaine. Il s’exprime d’une voix forte, afin que parvienne à tous l’invitation divine.

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, comme a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive jailliront de son sein. » Venir au Seigneur, c’est reconnaître en lui le Fils de Dieu ; avoir soif, être altéré, c’est porter en soi une âme religieuse et désireuse de justice. En attendant le rassasiement de la vision, il n’existe dans le désert de cette vie, pour nous désaltérer et apaiser notre faim, d’autre procédé que de nous attacher au Seigneur par la foi. Nous sommes des êtres pauvres, incomplets, qui ne seront achevés que par Dieu même. Notre grande misère a besoin de lui : il est le seul qui la puisse combler. La richesse de Dieu vient à propos. On y puise, dans le Christ, en croyant en lui. Est-il exact de dire qu’on y puise ? La promesse du Seigneur est plus haute. Au chapitre 47 de sa prophétie, Ezéchiel s’était plu à montrer le temple nouveau comme inondé d’eau vive, au lieu de n’être rafraîchi que par l’eau lointaine de Siloé. Le Seigneur fait allusion, soit à cette prophétie, soit à celles d’Isaïe (Is 44, 8 et Is 58, 11) ou de Zacharie (Za 14, 8), pour montrer comment et avec quelle abondance divine seront désaltérés ceux que la foi unit au Fils de Dieu. Ils portent en eux, dans leur cœur, la source même de l’eau vive, la source qui jaillit et qui coule éternellement.

Et l’évangéliste ajoute un bref commentaire. En parlant ainsi, le Seigneur signifiait l’Esprit de Dieu que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, Jésus. C’est l’Esprit-Saint qui est cette source d’eau vive, intérieure à nous ; c’est lui qui comble tous les désirs de notre cœur en nous attachant à Notre-Seigneur Jésus-Christ ; c’est lui qui verse en nous la plénitude de la vie divine. La vie surnaturelle est donc toute dans une relation au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit.

Prières

Oratio

Sanctífica, quæsumus, Dómine, nostra ieiúnia : et cunctárum nobis indulgéntiam propítius largíre culpárum. Per Dóminum.

Oraison

Nous vous en prions, Seigneur, sanctifiez nos jeûnes, et accordez-nous, dans votre bonté, le pardon de toutes nos fautes.

Oratio

Da, quæsumus, Dómine, pópulo tuo salútem mentis et córporis : ut, bonis opéribus inhæréndo, tua semper mereátur protectióne deféndi. Per Dóminum.

Oraison

Donnez, s’il vous plaît, à votre peuple, ô Seigneur, le salut de l’âme et du corps, afin qu’en s’attachant à la pratique des bonnes œuvres, il mérite d’être toujours défendu par votre protection.

Prière de Sainte Gertrude (1256-1301)

Ô Jésus, fontaine de vie, faites-moi boire de cette eau vive qui jaillit de votre cœur, afin que, vous ayant goûté, je n’aie soif que de vous durant l’éternité. Submergez-moi tout entier dans les profondeurs de votre miséricorde. Baptisez-moi dans la sainteté de votre mort précieuse. Renouvelez-moi dans votre sang par lequel vous m’avez racheté. Lavez dans l’eau qui sortit de votre saint côté toutes les taches dont j’ai souillé l’innocence de mon baptême. Remplissez-moi de votre Esprit et possédez-moi tout entier dans la pureté de l’âme et du corps.

Antienne

Ã. Qui sitit, véniat ad me, et bibat : et de ventre eius fluent aquæ vivæ.

Ã. Celui qui a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive : et des fleuves d’eau vive couleront de son sein.

Antienne grégorienne “Qui sitit”

Antienne Qui sitit

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1er Dimanche de la Passion

1er Dimanche de la Passion

1er Dimanche de la Passion

Le mot de Dom Delatte
Le terme de notre vie surnaturelle, ce n’est pas nous, c’est Dieu.
Sermon

Il importait que le Christ souffrît

Le Christ, souverain prêtre (Hbr 9, 11-15) : commentaire de Dom Delatte

Le Christ se présente en son heure, avec ses droits, avec autorité. Il est le pontife des biens futurs ; futurs relativement au mosaïsme à qui il succède, futurs dans une mesure, puisqu’ils ne sont pas encore pleinement révélés. Surtout il est le pontife qui entre et qui fait entrer dans un sanctuaire plus grand et plus parfait, un Saint des Saints qui n’est pas construit de mains d’homme.

Mais à quel prix est-il entré, avec quelle rançon ? Le prêtre de l’ancienne loi entrait dans son tabernacle figuratif avec le sang des boucs et des génisses : c’était normal, il y avait proportion entre ces éléments, tous figuratifs : le prêtre, l’économie, le sanctuaire, et la rançon vitale qui y donnait entrée. Mais le Fils de Dieu entre dans le sanctuaire grâce à son sang versé ; c’est par un travail personnel qu’il nous a rachetés, et achetés à lui éternellement. Son expiation et notre rédemption sont chose acquise définitivement pour l’éternité.

En vérité, dit l’Apôtre, si le sang des boucs et des génisses (Lv 16), si la cendre de la vache rousse répandue sur la tête (Nm 19), purifie le coupable de ses souillures légales et extérieures, quelle ne sera pas l’efficacité de ce sacrifice du Christ ? La victime ici est intelligente, son sacrifice est volontaire ; mieux que cela, son sacrifice est spontané, la victime est sans tache, et si l’on veut comme principe de ce sacrifice auguste quelque chose qui soit au-dessus de la volonté humaine la plus parfaite, sachons encore que c’est sous l’influence de l’esprit de Dieu et dès le soir de la Cène que le sacrifice a été offert ; et non pas seulement, comme dans le mosaïsme, par déférence à une prescription rituelle. Combien de motifs réunis pour que le sang du Christ, véhicule de sa vie, purifie non pas seulement notre corps, mais notre âme elle-même, le centre de notre vie ; qu’il ruine en nous les œuvres de péché, qu’il expie, qu’il réconcilie, qu’il scelle et consacre l’alliance nouvelle ; et, une fois purifiés, une fois réconciliés, qu’il nous fasse adorer et servir Dieu par un culte digne de lui !

Car, dans la pensée de l’Apôtre, la fin de la vie c’est d’adorer Dieu. La pureté même de la conscience et la sainteté ont pour dessein dernier et pour terme le culte que nous rendons à Dieu. On n’est pas beau pour être beau et s’arrêter là. On n’est pas pur pour être pur et n’aller pas plus loin. Toute beauté surnaturelle est ordonnée finalement à l’adoration. C’est là ce que veut le Père céleste, des adorateurs en esprit et en vérité : et notre adoration croît devant Dieu avec notre beauté et notre dignité surnaturelle. Ainsi le terme de notre vie surnaturelle, ce n’est pas nous, c’est Dieu. C’est Dieu, qui en dernière analyse recueille le bénéfice de ce que nous devenons graduellement par sa grâce et sous sa main. Dieu, en nous, travaille pour lui : pour servir le Dieu vivant. C’est la pensée du Seigneur en saint Jean à laquelle nous faisions allusion il y a un instant. C’est la pensée de saint Zacharie, lorsque dans son cantique il rappelle à Dieu sa promesse : « Afin que, sans crainte, affranchis de la main de nos ennemis, nous Le servions, avec sainteté et justice devant Lui, tous les jours de notre (vie) ». Toute notre vie, celle de l’éternité et celle du temps, est liturgique et ordonnée vers Dieu. Si nous nous appliquons au silence, au calme, à la paix, à la pureté, à l’effacement de tout, ce n’est pas pour nous y complaire, pour nous livrer à je ne sais quel dilettantisme supérieur, mais pour mieux servir, pour mieux adorer, pour mieux aimer Dieu. La pureté n’est pas la fin de notre vie surnaturelle ; elle n’est qu’un moyen pour la fin de notre vie surnaturelle ; et l’une des tentations les plus perfides et les plus redoutables se rencontre précisément dans une certaine complaisance orgueilleuse où l’on se réjouit de soi, de la vertu acquise et de son propre achèvement. Pour éviter le vertige qui précipite, c’est toujours en haut qu’il faut regarder.

Ainsi se dessinent la médiation sacerdotale et la prêtrise souveraine du Seigneur. Nous voyons bien maintenant en quoi consiste sa médiation. Nous embrassons mieux son sacrifice, et la plénitude d’efficacité qu’il implique. Nous tenons maintenant le fait nouveau qui a abrogé l’économie ancienne, pour lui substituer une dispensation de confiance et de tendresse : « vous avez reçu un Esprit d’adoption, en qui nous crions : Abba ! Père ! » (Rm 8, 15) Car c’est à raison de l’efficacité souveraine et spirituelle de son sang, que le Christ est le médiateur de la nouvelle économie : le sang des boucs et des génisses n’y pouvait rien ; le sang du Christ par son incomparable efficacité, inaugure une situation religieuse tout autre : il purifie, il réconcilie, il consacre l’alliance, il renouvelle l’homme dans la vie du Seigneur (Eph 2).

Il nous demeure ainsi trop démontré que l’Ancien Testament n’a pas conduit les hommes à l’union parfaite avec Dieu. Par les réserves mêmes et les détails de sa liturgie, la loi mosaïque, nous venons de le voir, a témoigné elle-même de son impuissance. Aussi voici venir une alliance nouvelle, où, moyennant un sacrifice et une mort volontaire, le péché est effacé, l’homme racheté de cette lourde servitude qui pesait sur lui dans l’ancienne loi ; où le Christ constitue aux mains des élus de Dieu les biens qui furent autrefois promis, mais non accordés à nos pères.

Jésus proclame sa divinité (Io 8, 47-59) : commentaire de Dom Delatte

Quis ex vobis arguet me de peccato ? Le Seigneur ne dédaigne pas de discuter encore, même avec des cœurs obstinés. Il vient de montrer de quel côté se trouvent la mort, et le mensonge, et le péché. Quel mal vous ai-je fait ? dit-il. Que pouvez-vous me reprocher ? Je vous apporte la vérité. D’où vient l’opposition qui vous raidit contre elle ? Si vous étiez de Dieu, vous reconnaîtriez la voix de Dieu, la parole et la pensée de Dieu. Mais vous n’entendez pas, parce que vous n’êtes point de Dieu, non plus que vous n’êtes fils d’Abraham.

Nous entrons dans une phase nouvelle : l’offensive violente de la part des Juifs ; ils ripostent ainsi à l’offensive du Seigneur (Io 8, 44), Le Seigneur les a excommuniés, et de Dieu, et d’Abraham : à leur tour, ils vont l’exclure de la fraternité juive. L’appréciation qu’ils portent était courante et commune parmi eux : N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain, un homme souillé, semblable à ceux à qui vous avez porté l’évangile, enfin un possédé du démon ! C’est par un pacte avec Béelzébub que vous accomplissez les œuvres surprenantes de votre vie ; et c’est sous l’influence de l’esprit impur que vous parlez, — Le Seigneur écarte doucement l’injure. Il ne se défend pas d’être Samaritain, ni ne se justifie d’avoir porté aux Samaritains la vérité ; il repousse seulement le second reproche. Non, dit-il, je n’ai point de démon, je n’appartiens pas au diable. J’honore mon Père par l’absolue et continuelle docilité de ma vie. Mais vous, vous me déshonorez, et, en ma personne, celui qui m’a envoyé. Car lorsque je vous parle de mon honneur, ce n’est pas que je cherche une gloire qui soit pour moi : il est quelqu’un qui a souci de moi, qui me défend et jugera entre nous.

Il semble ensuite que le Seigneur, devant une telle obstination, se désintéresse un instant des Juifs et revienne à ceux qui ont commencé à croire en lui, à qui il disait : Si vous demeurez dans ma parole… (Io 8, 31). Leur ayant promis la liberté, il leur promet maintenant la vie, une vie sans fin. Il emploie la formule solennelle qui, sur ses lèvres, équivaut à un serment. « En vérité, en vérité, je vous le dis : si quelqu’un garde ma parole, elle le défendra contre la mort, et à jamais. » La parole du Seigneur en nous, ce n’est pas simplement une parole déposée dans un coin de La mémoire, d’où elle n’exerce sur la vie aucune action réelle : c’est la parole vivante et efficace ; c’est la règle, la loi, l’influence divine, sans laquelle il n’existe pas pour nous de vraie liberté. Il nous faut la garder comme on veille sur un trésor, sur un bien dont on ne veut pas perdre une parcelle. Alors, nous ne connaîtrons point la mort, puisque Dieu même sera avec nous et en nous.

C’est bien, disent les Juifs, en face de cette affirmation, aussitôt interrompue que prononcée. Maintenant nous tenons la preuve que vous agissez et que vous parlez comme un fanatique, sous l’influence du démon. Le monde a connu de grands amis de Dieu : Abraham, les prophètes. Dieu ne les a pas garantis contre la mort, encore qu’ils fussent ses familiers et ses élus. Et vous venez de dire : Si quelqu’un garde ma parole, il ne mourra jamais. Vous seriez alors plus grand qu’Abraham, qui n’a pas échappé à la mort ? plus grand que les prophètes qui, à leur tour, en ont subi la loi ? Eux aussi, cependant, ont écouté la voix de Dieu : ce qui ne leur a point conféré l’immortalité. Et non seulement la mort vous épargnerait personnellement, mais vous accorderiez le même privilège à tous vos disciples ! Qui êtes-vous donc ? Prétendez-vous être plus grand que notre père Abraham, que les prophètes, que Dieu même, puisqu’il a laissé mourir ses amis ? — C’est, à propos de la mort, la même méprise qu’au sujet de la liberté.

Le Seigneur trouve d’abord, dans la question même de ses ennemis, l’occasion de renouveler l’assertion de son origine divine. À Dieu ne plaise que je me glorifie, ni que je m’élève moi-même ! La gloire que je me décernerais ne serait rien. Je suis Fils de Dieu, et n’ai d’autre gloire que celle qui me vient de lui ; en poursuivre une autre serait renoncer à cette gloire essentielle. C’est à mon Père qu’il appartient de me donner de la gloire. Mon Père est celui que vous appelez votre Dieu et dont vous vous glorifiez d’être le peuple, encore que vous ne le connaissiez pas. Je le connais, moi, et si je niais le connaître, si je me dérobais à sa pensée, si j’étais infidèle à la mission qui vient de lui, je serais semblable à vous, un menteur. Car le mensonge profond et premier, c’est d’être en désaccord avec Dieu et de se dérober à lui. Mais je connais mon Père et je garde sa parole.

Ayant ainsi écarté toute idée de vaine gloire et d’estime personnelle, le Seigneur donne satisfaction à la question des Juifs ; il omet les prophètes, dont la cause est d’ailleurs liée à celle d’Abraham, et se borne à la seule comparaison établie entre lui et le père des croyants. Même alors, il ne se dit pas formellement supérieur à Abraham ; la question de taille respective n’est pas abordée : ainsi, l’humilité garde ses droits et la divinité n’y perd rien. Abraham, que vous appelez votre père et de qui vous vous réclamez, a tressailli d’espérance à la pensée de voir mon jour, le jour de mon avènement sur terre. C’est à dater de ce jour-là, en effet, que dans son fils et selon les promesses réitérées de Dieu, toutes les nations de la terre ont été bénies, comme en germe. Et, dans les limbes, grâce à une manifestation spéciale, Abraham a contemplé le jour du Seigneur, et il a tressailli dans la joie de son avènement.

Le Seigneur a donc vu et a été vu ; il s’est donc montré au patriarche et a été le témoin de sa joie, ce qui explique l’objection du verset 57. Rien, dans cette assurance donnée par Jésus, qui ne fût d’accord avec ce qu’il avait dit de lui-même : mais comment une âme juive eut-elle pu supporter la pensée d’une telle subordination : Abraham, leur père, attendant Jésus, désirant contempler le jour de sa venue ! « Comment ! s’écrient-ils, vous n’avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ! »

Avec une solennité tranquille, Jésus répond : « Avant qu’Abraham ne reçût la vie, je suis. » C’est l’affirmation de sa préexistence éternelle et de sa divinité. Mais l’incrédulité des Juifs n’y voit qu’un blasphème. Le temple était en construction depuis quarante-six ans ; certaines portions demeuraient sans doute à l’état de chantier, encombrées de pierres et de matériaux. Aussitôt, les Juifs se mettent en devoir de lapider le blasphémateur, dans le temple même ; la fureur leur fait oublier toute loi : nul ne pouvait être frappé de mort à l’intérieur de la ville sainte, à plus forte raison dans le temple. Mais parce que l’heure n’est pas venue, le Seigneur se dérobe, comme jadis à Nazareth, et sort du temple.

Prières

Oratio

Quæsumus, omnípotens Deus, familiam tuam propítius réspice : ut, te largiénte, regátur in córpore ; et, te servánte, custodiátur in mente. Per Dóminum.

Oraison

Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, regardez vos enfants dans votre miséricorde ; accordez-leur votre grâce pour qu’ils soient gouvernés en leur corps, et veillez sur eux pour qu’ils soient gardés en leur âme.

Oraison tirée du Bréviaire Mozarabe par Dom Guéranger

Le cours du temps, ô Christ Fils de Dieu, nous a ramené les fêtes commémoratives de votre Passion. Nous commençons d’un cœur pieux à vous rendre les devoirs qui vous appartiennent, en ce temps où vous avez souffert pour nous les insultes de vos persécuteurs et enduré sur la croix les coups de vos ennemis ; nous vous en supplions, ne vous éloignez pas de nous. Aux approches de votre tribulation, personne n’était là pour vous secourir ; soyez, au contraire, notre seul soutien par le mérite de votre Passion. Ne nous livrez pas à nos ennemis pour nous perdre ; mais recevez vos serviteurs pour les sauver. Par votre puissante vertu, repoussez ces superbes qui nous calomnient, c’est-à-dire les ennemis de nos âmes ; car vous êtes, dans votre humanité, le divin flambeau placé sur le chandelier de la croix. Enflammez-nous des feux qui sont les vôtres, afin que nous ignorions ceux du châtiment. Faites part des mérites de votre Passion à ceux que vous voyez en célébrer les prémices d’un cœur pieux ; par le bienfait de votre lumière, daignez dissiper les ténèbres de nos erreurs.

Antiennes

Ã. Iudicásti, Dómine, causam ánimæ meæ, defénsor vitæ meæ, Dómine Deus meus.

Ã. Vous avez jugé, Seigneur, la cause de mon âme, défenseur de ma vie, ô Seigneur mon Dieu.

Antienne grégorienne “Iudicasti Domine”

Ã. Pópule meus, quid feci tibi, aut quid moléstus fui ? Respónde mihi.​

Ã. Mon peuple, que t’ai-je fait, ou en quoi t’ai-je molesté ? réponds-moi.

Antienne grégorienne “Popule meus”

Ã. Numquid rédditur pro bono malum, quia fodérunt fóveam ánimæ meæ ?

Ã. Est-ce qu’on rend le mal pour le bien, puisqu’ils ont creusé une fosse pour mon âme ?

Antienne grégorienne “Numquid redditur”

Antiennes Iudicasti etc

Ã. Vulpes fóveas habent et volúcres cæli nidos Fílius autem hóminis non habet ubi caput suum reclínet.

Ã. Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.

Antienne grégorienne “Vulpes foveas”

Antienne Vulpes foveas

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25 mars — Annonciation de la Bse Vierge Marie

25 mars — Annonciation de la Bse Vierge Marie

25 mars — Annonciation de la Bse Vierge Marie

Le mot de Saint Bernard

Dans les dangers, dans les angoisses, dans les doutes,
Pense à Marie, Invoque Marie !

L’Annonciation à Marie (Lc 1, 26-38) : commentaire de Dom Delatte

Après l’annonciation du Précurseur, saint Luc nous rapporte l’annonciation du Messie. Les cinq mois silencieux d’Élisabeth se sont écoulés. Nous sommes arrivés au sixième mois depuis la scène du temple. Maintenant, la scène est à Nazareth, dans la Galilée. Une humble maison, plus auguste que le temple. Un ménage humble et pauvre : un artisan, son épouse vierge. Regardons. Là nous pouvons tout apprendre. Nazareth est l’école par excellence. Nous voyons le milieu et l’atmosphère où s’accomplissent les œuvres de Dieu : l’humilité, la pauvreté, la solitude, la pureté, l’obéissance. — Ce même archange Gabriel, envoyé, dans l’Ancien Testament, pour renseigner Daniel sur le mystère des semaines d’années et la date de l’avènement du Messie, député à Zacharie pour lui apprendre que l’heure est proche, est envoyé maintenant de Dieu dans une ville de la Galilée, Nazareth, à une vierge du nom de Marie, épouse de Joseph, un rejeton de la famille de David.

« Et ayant pénétré près d’elle, il dit : “Je vous salue, pleine de grâce”… » Ce n’est pas avec des paroles qu’il faut commenter. Aussi bien, les termes sacrés sont pleins, riches de signification profonde. C’est vraiment la joie qui est annoncée au monde, et depuis cette heure-là, il n’y a plus que du bonheur pour ceux qui acceptent l’incarnation. Cette création surnaturelle qui s’éveille à la parole de l’ange suffit à l’allégresse du temps et à celle de l’éternité. — Le terme grec traduit par gratia plena signifie une plénitude de grâce reçue par Notre-Dame. Saint Thomas nous a dit en quoi consiste cette plénitude (S. Th., 3a, q. 27, art. 5). Et comme la grâce est la dot de l’âme et la condition de son union à Dieu, celle qui est pleine de grâce est pleinement à Dieu, pleinement avec Dieu ; elle est sainte non seulement par ses privilèges, mais par ses vertus. « Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes. »

L’ange ne dit rien de plus. La salutation était plus large que toutes celles adressées dans l’Ancien Testament, l’attitude de l’ange infiniment respectueuse, la Vierge infiniment humble. Joignons ensemble tous ces éléments, et nous aurons la raison de la prudente réserve de Notre-Dame. Lorsqu’on remarque qu’elle fut troublée à ces paroles de l’ange, cela veut dire qu’elle demeura indécise sur ce qu’elle devait répondre. Et, gardant le silence, elle recherchait, à part elle, ce que pouvait signifier une telle salutation. Encore une fois, elle est humble, elle est prudente : l’ange l’a abordée comme une reine, mais il n’a encore rien dit de son message divin.

En face de ce silence, qui contenait une interrogation muette, Gabriel reprit la parole. Le ne timeas n’a pas pour dessein de bannir une crainte proprement dite, mais seulement d’exclure même le trouble et l’indécision que nous venons de décrire. Cette fois Notre-Dame est appelée par son nom : « Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. » La faveur de Dieu, la tendresse de Dieu, qui est souveraine, qui est gracieuse, qui est active, s’est reposée sur elle. La même expression a été employée au sujet de Noé, qui bâtit l’arche du salut : Noe vero invenit gratiam coram Domino (Gn 6, 8). Mais il s’agit aujourd’hui d’une faveur plus haute, d’une arche plus sainte, d’un salut plus complet. La Sainte Vierge connaissait les Écritures ; elle avait lu et médité, au chapitre 7 d’Isaïe, des expressions que l’ange emploie à son tour. « Voici que la Vierge concevra et enfantera un Fils, et on l’appellera Emmanuel. » — « Voici, dit l’ange, que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un Fils, et vous l’appellerez Jésus. » Le parallélisme était flagrant. Emmanuel, « Dieu avec nous », c’était l’équivalent de Jésus, « Dieu Sauveur ».

Observons par quels traits l’ange dessine la mission du Fils de la Vierge. Il sera grand : il sera appelé, parce qu’il sera réellement, Fils du Très-Haut. L’ange ne dit pas : le Fils du Très-Haut. Ses paroles semblent calculées pour marquer une relation intime avec Dieu, sans exprimer encore nettement la filiation divine et la seconde personne de la très Sainte Trinité. — Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il régnera pour les siècles sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. Remarquons les termes et l’étendue de la prophétie. C’est chose extraordinaire que cet enfant, qui n’est pas né encore, soit promis à sa Mère comme un roi, et comme un roi éternel, en dépit de l’humiliation à laquelle était réduit, à cette époque, le peuple juif tout entier. Peut-être avons-nous le droit de remarquer aussi que cette prophétie s’est accomplie, qu’elle s’accomplit chaque jour encore, qu’elle est partiellement inachevée, et que le temps ne dure que pour lui donner le loisir de sa pleine réalisation.

Il semble que Notre-Dame, même avant la salutation angélique, aurait dû se reconnaître comme prédestinée à devenir la Mère de Dieu. Elle connaissait admirablement les Livres Saints ; elle était pleine de grâce ; elle savait que les temps étaient venus ; elle était de la famille de David ; le Messie devait naître d’une vierge : or il lui avait été inspiré de vouer, la première, sa virginité à Dieu. Tous les indices semblaient donc réunis. Comment ne s’est-elle pas demandé : « Mais n’est-ce pas de moi qu’il est question ? » Elle ne se l’est pas demandé. Les humbles s’ignorent. Peut-être avait-elle souhaité seulement d’être la servante de la Mère du Messie. Et la salutation de l’ange, si claire pour nous après l’événement, ne fit pas sortir la Vierge de cette divine ignorance d’elle-même. Après tout, il y avait moyen d’interpréter les paroles angéliques de manière à demeurer en deçà d’une grandeur à laquelle elle n’avait jamais songé. Aussi longtemps qu’il demeurait une imprécision, une part d’obscurité dans le message divin, ce serait une retraite, un abri où se réfugierait l’humilité de la Vierge. Y a-t-il au monde un spectacle plus beau que celui-là ? Dieu, qui y était attentif, dut s’y complaire. Nous aussi, perdons-nous dans cette splendeur. — Voici comment on pourrait traduire cet incomparable malentendu : « Dieu, par l’ange, me promet un fils. Il sera glorieux. Mais puisque l’ange n’a pas dit formellement qu’il est le Messie, qu’il est le Fils de Dieu, ce sera un roi comme les autres, un homme comme les autres. Il naîtra d’une femme, non d’une vierge. Or, j’ai voué à Dieu mon corps et mon âme ; mon mariage n’est qu’un voile, et mon époux le gardien prédestiné de ma virginité. Comment donc pourra s’accomplir la promesse angélique, puisque j’ai fait vœu de n’être à aucun homme ? » Quomodo fiet istud, quoniam virum non cognosco ?

Dans la réponse de l’ange, nous entendons la réponse de Dieu. Le Fils qui sera donné à Marie ne sera pas le fruit d’un commerce humain : le vœu de virginité demeurera donc sauf. « C’est l’Esprit de Dieu, l’Esprit-Saint, qui descendra sur vous ; c’est la force du Très-Haut qui vous couvrira de son ombre. » Le texte grec est susceptible de plusieurs interprétations. La Vertu de Dieu, c’est-à-dire le Fils de Dieu, vous demandera son voile, sa nature humaine, l’ombre dont il s’enveloppera pour se rendre visible aux regards humains ; la Vertu de Dieu, le Fils de Dieu, entrera en vous, comme on entre dans sa demeure ; il se reposera à l’ombre de votre sein ; il sera, par vous, Dieu avec nous, Emmanuel, beaucoup plus vraiment que dans le Saint des Saints et à l’ombre des grands chérubins qui étendent leurs ailes sur le propitiatoire ; une troisième interprétation, celle qui est commune, et préférable, semble-t-il, reconnaît qu’il est question encore du Saint-Esprit, comme dans la première partie du verset ; nous aurions affaire à un cas de parallélisme synthétique et d’équivalence entre Spiritus Sanctus superveniet in te et Virtus Altissimi obumbrabit tibi. Par deux fois, l’ange a voulu signifier la pureté virginale de la conception promise. Ce n’est point l’homme, c’est Dieu seul, c’est la sainteté et la pureté de Dieu qui interviendra. Esprit-Saint et Vertu du Très-Haut indiquent tous deux une même réalité : Dieu dans sa sainteté et son pouvoir infini, en un mot l’élément actif de cette création surnaturelle. Les paroles qui suivent marquent le résultat, le fruit béni de cette action : « C’est pourquoi l’enfant qui doit naître sera appelé Saint et Fils de Dieu. » Le Fils de Dieu prendra, grâce à Notre-Dame, sa place dans la création, sa place, la première et l’unique, dans la famille humaine : Ut sit ipse primogenitus in multis fratribus (Rm 8, 29).

Il y a une grande différence entre l’accueil fait par Zacharie au message angélique : « Comment saurai-je qu’il en sera ainsi ? » et celui de la Sainte Vierge : « Comment cela se fera-t-il ? » Aucun doute n’effleure l’âme de Notre-Dame ; elle demande seulement à l’ange comment, dans sa vie, se pourront concilier deux devoirs : celui de l’obéissance et celui de son vœu. Néanmoins, nous remarquerons que Dieu use, dans l’un et l’autre cas, du même procédé. Il traite sa créature avec respect ; il lui donne un signe, c’est-à-dire une preuve de ses dires et une garantie de la foi qu’il réclame. Ainsi, ses témoignages sont croyables à l’infini : Testimonia tua credibilia facta sunt nimis. Ce signe, la Sainte Vierge ne le sollicitait pas : il lui fut gracieusement accordé. Pour obtenir son consentement, l’ange en appelle à une autre conception miraculeuse : Votre parente Élisabeth, elle aussi, a conçu un fils dans sa vieillesse ; depuis six mois déjà elle le porte en son sein, elle, la stérile. Car nulle parole prononcée par Dieu, nulle promesse sortie de ses lèvres ne sera jamais trahie, ni démentie, ni inexécutée.

II y avait un intérêt extrême, pour l’humanité et pour Dieu même, à ce que la Sainte Vierge donnât son adhésion au mystère. Lorsqu’il s’agit d’union et de mariage, il doit y avoir un consentement libre des deux parties. L’union hypostatique n’échappe pas à cette loi. C’est une union : ce n’est pas une conquête, ni une contrainte, une sorte de mainmise violente, où ne seraient point respectés les droits et la dignité d’un des contractants. Dieu, nous l’avons dit, traite sa créature avec égards. Or, ce consentement indispensable à l’Incarnation, Dieu ne pouvait le demander ni à la portion de l’humanité qui avait précédé et qui n’existait plus ; ni à la portion qui existait alors et qu’on ne pouvait plébisciter pour savoir si elle consentait à l’union divine ; ni à la portion future de l’humanité. On ne pouvait non plus consulter la nature humaine individuelle que devait revêtir le Verbe : elle n’existait pas encore, et c’était précisément en vue de son existence que le consentement était sollicité. Voilà donc les destinées du monde suspendues aux lèvres et au cœur de Notre-Dame. Entendons l’Église, dans sa liturgie, la supplier de consentir à Dieu : Suscipe verbum, Virgo Maria, quod tibi a Domino per angelum transmissum est… Monde créé et monde incréé, tous les deux sont anxieux, attentifs, épiant la réponse de la Vierge, qui, pour tous deux, sera décisive. Ce n’est pas un rêve arbitraire, mais la doctrine de saint Thomas d’Aquin : l’Annonciation, dit-il, était convenable : « Pour montrer ainsi un certain mariage spirituel entre le Fils de Dieu et la nature humaine. Et voilà pourquoi l’annonciation demandait le consentement de la Vierge représentant toute la nature humaine » (S. Th., IIIa, q. 30, art. 1). La Sainte Vierge n’ignorait pas ce que devait impliquer pour elle la maternité divine. Dieu n’a pas surpris sa Mère. Elle savait, par l’Écriture, sur quelles épines nues son cœur serait traîné. C’est, non les yeux fermés, mais les yeux ouverts, l’âme avertie et pleinement consciente, qu’elle adhère au vouloir du Seigneur.

La condition faite à Notre-Dame par l’Incarnation entraîne deux conséquences, qu’il nous suffira ici d’indiquer. La première, c’est que jamais fils n’a été le bien de sa mère autant que le Seigneur l’a été de Marie. La virginité de Notre-Dame attache son Fils à elle toute seule, à elle exclusivement, comme le fruit de sa pureté ; il est le Fils de sa chair et de sa volonté ; à lui elle a vraiment tout donné. Mais comment osons-nous parler de tels mystères ? Il nous faudrait pourtant ajouter encore qu’à l’heure même de l’Incarnation, Notre-Dame a concentré et ramassé en elle l’humanité entière ; que son âme a comme embrassé et enveloppé tout ce que nous sommes ; et qu’à l’exemple de son Fils, à raison du même acquiescement qui lui a été demandé par Dieu, nous sommes à elle comme nous ne sommes à personne. Elle est la Mère de tous les vivants, la nouvelle Ève. Comment peut-il demeurer une tristesse sur terre, depuis que l’éternité elle-même s’est inclinée, que les cieux se sont abaissés, que l’ange est venu au nom de Dieu, et que Notre- Dame et notre Mère lui a répondu simplement : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole » ?

Et l’ange se retira d’auprès d’elle. Et, en même temps que la Vierge disait à Dieu : Ecce ancilla Domini, dans une adoration parfaite, s’élevait de son sein une adoration plus parfaite encore. La Mère de Dieu se disait la servante du Seigneur ; le Fils de Dieu se disait l’esclave et le serviteur de Dieu. L’apôtre saint Paul nous l’a révélé : « Lorsque le Christ fit son entrée ici-bas, il dit : Vous ne vouliez plus d’hosties et d’oblations, alors vous m’avez donné un corps ; les holocaustes et les victimes pour le péché ne vous plaisaient point, alors j’ai dit : Me voici, selon qu’en tête du livre il est écrit de moi, pour faire, ô Dieu, votre volonté. » (Hbr 10, 5-7.) C’est au même instant que, du cœur du Fils comme de celui de la Mère, montait vers Dieu le parfum d’un même sacrifice, d’une même adoration.

Le nom de la Vierge était Marie (Lc 1, 27) : Sermon de Saint Bernard

Quelques mots sur ce nom de Marie, dont la signification désigne l’étoile de la mer: ce nom convient merveilleusement à la Vierge mère ; c’est en effet avec bien de la justesse qu’elle est comparée à un astre, car de même que l’astre émet le rayon de son sein sans en éprouver aucune altération, ainsi la vierge a enfanté un fils sans dommage pour sa virginité. D’un autre côté, si le rayon n’enlève rien à l’éclat de l’astre qui l’émet, de même le Fils de la Vierge n’a rien diminué à sa virginité. Elle est en effet la noble étoile de Jacob qui brille dans les cieux, rayonne dans les enfers, illumine le monde, échauffe les âmes bien plus que les corps, consume les vices et enflamme les vertus. Elle est belle et admirable cette étoile qui s’élève au dessus du vaste océan, qui étincelle de mérites et instruit par ses exemples.

Ô toi qui te vois ballotté dans le courant de ce siècle,
Au milieu des orages et des tempêtes
De manière plus périlleuse que si tu marchais sur terre,
Ne détourne pas les yeux de l’éclat de cet astre
Si tu ne veux pas sombrer dans les tempêtes.

Si les vents de la tentation s’élèvent,
Si tu rencontres les récifs des tribulations,
Regarde l’étoile,
Invoque Marie !

Si tu es submergé par l’orgueil,
L’ambition, le dénigrement et la jalousie,
Regarde l’étoile,
Crie vers Marie !

Si la colère,
L’avarice
Ou les fantasmes de la chair
Secouent le navire de ton esprit,
Regarde Marie !

Si, accablé par l’énormité de tes crimes,
Confus de la laideur de ta conscience,
Effrayé par l’horreur du jugement,
Tu commences à t’enfoncer
Dans le gouffre de la tristesse,
Dans l’abîme du désespoir,
Pense à Marie !

Dans les dangers,
Dans les angoisses,
Dans les doutes,
Pense à Marie,
Invoque Marie !

Que son nom ne quitte pas tes lèvres,
Qu’il ne quitte pas ton cœur
Et, pour obtenir la faveur de ses prières,
N’oublie pas les exemples de sa vie.

En suivant Marie, on ne dévie pas,
En la priant on ne désespère pas,
En pensant à elle, on ne se trompe pas.

Si elle te tient par la main, tu ne tomberas pas ;
Si elle te protège, tu ne craindras pas ;
Si elle te guide, tu ne connaîtras pas la fatigue ;
Si elle est avec toi, tu es sûr d’arriver au but :

Ainsi tu comprendras, par ta propre expérience,
Combien cette parole est juste :
« Le nom de la Vierge était MARIE » (Lc 1, 27).

Prières

Oratio

Deus, qui de beátæ Maríæ Vírginis útero Verbum tuum, Angelo nuntiánte, carnem suscípere voluísti : præsta supplícibus tuis ; ut, qui vere eam Genetrícem Dei crédimus, eius apud te intercessiónibus adiuvémur. Per eúndem Dóminum.

Oraison

Ô Dieu, qui avez voulu que votre Verbe prît un corps humain à la parole de l’Ange dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie ; accordez à ceux qui vous en supplient que, nous qui la croyons véritablement Mère de Dieu, nous soyons secourus auprès de vous grâce à son intercession.

Ô Vierge sainte, ma glorieuse princesse et ma bonne mère, je me réfugie auprès de vous ; laissez-moi m’abriter sous le manteau de votre particulière protection, et me protéger dans le sein de votre miséricorde.
Je vous confie mes désirs et mes espoirs, mes difficultés et mes angoisses, toute ma vie et ma mort, afin que, par votre sainte intercession et vos mérites, tous mes travaux soient dirigés selon votre volonté et celle de votre divin Fils. Ainsi soit-il.

Prière de Saint Grégoire de Nazianze (329-390)

Ô Vierge souveraine, souveraine et bienheureuse, vous habitez au Ciel au séjour des élus, et vous avez secoué toute la pesanteur humaine pour revêtir la parure de l’immortalité ; on sait que vous êtes, comme Dieu, toujours jeune. Du haut du Ciel, recevez mes prières avec bienveillance. Oui, oui, Vierge très glorieuse, acceptez mes prières. Parmi les mortelles, vous possédez sans partage le privilège d’être la Mère du Verbe, d’une manière qui dépasse l’entendement. C’est pourquoi je mets en vous ma confiance, je vous adresse à mon tour mes prières et je vous offre, ô Maîtresse, une couronne tressée avec les fleurs d’une prairie sans tache en échange des grâces dont vous m’avez comblé, protégez-moi toujours des malheurs de toute sorte, des ennemis visibles et plus encore des ennemis invisibles. Puissé-je franchir la dernière étape comme j’ai commencé ma vie et vous avoir toujours pour Protectrice à tout instant et pour Avocate toute-puissante auprès de votre Fils en compagnie des Saints qui lui sont agréables ! Ne permettez pas que je sois livré au supplice pour être le jouet du Malin qui corrompt les âmes. Protégez-moi, préservez-moi du feu et des ténèbres. Que la foi et la grâce qui sont en vous me servent de justification ; car on sait que la grâce de Dieu nous vient par votre intermédiaire. Ainsi soit-il.

Antiennes

Ã. Missus est Gabrihel Ángelus ad Maríam Vírginem desponsátam Ioseph.

Ã. L’Ange Gabriel fut envoyé à la Vierge Marie, l’épouse de Joseph.

Antienne grégorienne “Missus est”

Antienne Missus est

Ã. Ecce ancílla Dómini : fiat mihi secúndum verbum tuum.

Ã. Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole.

Antienne grégorienne “Ecce ancilla Domini"

Antienne Ecce ancilla

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Samedi de la 4ème semaine de Carême

Samedi de la 4ème semaine de Carême

Samedi de la 4ème semaine de Carême

Le mot de l’Imitation de Jésus-Christ

Plus vous avez de lumières touchant le bien, plus vous serez rigoureusement puni, si vous n’en vivez plus saintement.

Jésus est la lumière du monde (Io 8, 12-20) : commentaire de Dom Delatte

Nous sommes au lendemain de la fête des Tabernacles. Ne semble-t-il pas que le Seigneur ait voulu, dans son enseignement, fournir le commentaire de tout ce que cette fête contenait de voilé et de mystérieux ? Le peuple de Dieu, après l’Incarnation, est encore en marche vers la terre promise Au cours du chemin, le Fils de Dieu nous est tout ce dont nous avons besoin : il est notre nourriture (Io 6), il est l’eau miraculeuse qui jaillit du rocher (Io 7). La manne, c’est lui ; la pierre, c’est lui encore (1 Cor 10, 4) ; l’eau vive, c’est lui qui la procure, et en celui qui l’a reçue, elle devient une source qui jaillit jusqu’à la vie éternelle. Pourtant, il était un symbole que le Seigneur ne s’était pas appliqué encore. Un enfant sachant l’histoire sainte aurait pu dire : « Oui , Seigneur ; mais , dans le désert. Dieu était le guide de son peuple. L’Ange de Dieu était à la tête de tout Israël. Il y avait une colonne de feu et de fumée : de feu, la nuit ; de fumée, le jour ; et selon qu’elle s’ébranlait ou s’arrêtait, le peuple de Dieu ou la suivait ou suspendait sa marche… » La fête des Tabernacles comportait, dans son programme, des illuminations, des processions aux flambeaux. Le Seigneur va montrer qu’il ne manque rien pour que soit parfaite la correspondance entre la réalité et la figure.

« Je suis la lumière du monde ». Ce n’est pas la colonne de feu et de fumée qui est la lumière du monde ; elle n’était que le guide d’un petit peuple, durant les quarante années de sa vie errante. Même alors, elle n’était encore qu’un symbole de l’Ange de Dieu, du Verbe de Dieu, s’essayant dès lors à vivre au milieu des hommes. Mais la lumière vraie et sans ombre, la lumière du monde et de tous, la lumière qui s’adresse à l’âme, la lumière qui marche devant vous et qui est en vous, c’est moi, dit le Seigneur. Celui qui me suit, qui se tient près de moi, marchant avec moi et de mon pas, celui-là ne chemine plus dans les ténèbres. Il est en possession de la vraie lumière (Io 1, 9).

« Je suis la lumière du monde » : jamais homme, si ce n’est le Seigneur, n’a osé parler ainsi de lui-même. Une telle plénitude d’affirmation trahit la souveraine autorité de Dieu. Mais les pharisiens, évincés naguère par l’exception que leur a opposée le Sauveur, se préparent à lui répondre sur le même ton et par le même procédé : à une fin de non-recevoir, ils opposent une fin de non-recevoir. C’est un axiome de droit que nul n’est témoin ni juge dans sa propre cause. Quelle créance, dès lors, mérite l’affirmation de Jésus en faveur de l’autorité infinie et universelle qu’il s’arroge ? Il se rend témoignage à lui-même : son témoignage n’est pas acceptable. — Si les pharisiens avaient voulu, peut-être auraient-ils trouvé dans la doctrine même de Jésus réponse à leur difficulté. Le Seigneur se disait la lumière du monde ; or, la condition de la lumière, c’est précisément de n’avoir pas besoin de témoignage autre qu’elle-même. C’est elle qui fait voir, et c’est par là même qu’elle se démontre : le témoignage de la lumière suffit à la lumière. Même dans l’ordre des relations humaines, il est des hommes que l’on croit sur parole, et le Seigneur, sans aucun doute, était de ceux-là. Néanmoins, il consent à discuter avec les Juifs. Moi, dit-il, alors même que je porte témoignage à mon sujet, mon attestation mérite créance. J’échappe aux lois ordinaires, simplement parce que je suis le Fils de Dieu, sachant seul d’où je viens et où je vais. Cela, je le sais seul, et nul autre que moi ne peut enseigner aux hommes qui je suis.

« Mais cependant, pouvaient objecter les pharisiens, votre témoignage court risque d’être faussé par l’amour-propre et une estime irrégulière de vous-même ? » Non, dit le Seigneur, j’ai conscience exacte de ce que je suis. Je ne juge personne selon la chair, selon les apparences, et ce n’est pas selon la chair que je parle de moi. Vous autres, là où vous voyez une forme humaine, vous déclarez : il n’y a qu’une forme humaine. Vous affirmez ce que vous voyez, vous niez ce que vos yeux n’aperçoivent pas. Je ne suis pas exposé à cette infirmité. Alors que je prononce sur moi-même et sur tous autres, mon jugement, fondé sur une pleine connaissance, est exact. Le Fils de Dieu est la règle et la vérité. L’homme de droiture peut se tromper, mais la vérité ne saurait jamais se séparer d’elle-même. — « Mais enfin, vous êtes seul ! » Non, cette unité du témoin n’est point telle que vous pensez. Lorsque je prononce, mon jugement est vrai, parce que je ne suis pas seul : il y a toujours, dans ma parole, et moi et celui qui m’a envoyé. Or, dans votre Loi, il est écrit que le témoignage de deux hommes fait autorité, qu’il est recevable en justice (Dt 19, 15) ; vous avez sur moi le double témoignage et du Fils et du Père qui l’a envoyé : est ce que l’attestation de deux personnes divines serait moins sûre que celle de deux personnes humaines ? — On voit que le Seigneur répond à toutes les difficultés élevées contre lui par l’affirmation réitérée de sa filiation.

Mais les Juifs ne se rendent pas encore. Un témoin doit être vu, entendu : sans cela il est loisible à n’importe qui d’en appeler au témoignage de n’importe qui. On nous parle de deux témoignages : mais où est le second témoin ? Votre Père, où est-il ? Quelle autorité peut constituer pour vous un témoin absent et invisible ? — Une fois de plus, le Seigneur élude le sarcasme latent de la question, et se borne à répondre : Vous ne me connaissez pas. Ce n’est pas connaître un homme que de constater sa présence corporelle, apercevoir ses traits, le distinguer d’avec les autres hommes par des indices extérieurs ; on ne connaît quelqu’un que lorsque l’on sait ce qu’il est réellement et intérieurement. Or vous ne connaissez ni moi ni mon Père ; celui pourtant que vous appelez votre Dieu, vous ne pourriez le connaître que par moi. Il n’y a de vraie manifestation du Père que dans et par le Fils. — Ces paroles furent prononcées observe l’évangéliste, au cours de l’enseignement que Jésus donnait aux foules, dans la galerie du Trésor, située à l’angle du parvis des femmes. Le Seigneur parle en public, dans un endroit fréquenté, près de la demeure des prêtres ; mais, non plus que les jours précédents, personne ne se saisit de lui, parce que son heure n’était pas venue encore.

Prières

Oratio

Fiat, Dómine, quæsumus, per grátiam tuam fructuósus nostræ devotiónis afféctus : quia tunc nobis próderunt suscépta ieiúnia, si tuæ sint plácita pietáti. Per Dóminum nostrum.

Oraison

Nous vous en supplions, Seigneur, que le sentiment de notre dévotion devienne fructueux par votre grâce ; parce que les jeûnes que nous avons entrepris nous seront utiles lorsqu’ils seront agréables à votre bonté.

Oratio

Deus, qui sperántibus in te miseréri pótius éligis quam irasci : da nobis digne flere mala, quæ fécimus ; ut tuæ consolatiónis grátiam inveníre mereámur. Per Dóminum.

Oraison

Ô Dieu, qui préférez avoir pitié de ceux qui espèrent en vous, plutôt que de vous irriter ; donnez-nous de pleurer comme il convient le mal que nous avons commis, en sorte que nous méritions la grâce d’être consolés par vous.

Prière de Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582)

Ô Seigneur, comme il est vrai que vous possédez les paroles de vie (Io 6, 68), celles où tous les mortels trouveraient ce à quoi ils aspirent pourvu qu’ils consentent à le chercher. Mais quoi d’étonnant, ô mon Dieu, nous oublions vos paroles ! Vous êtes Tout-Puissant, vos œuvres sont incompréhensibles. Faites donc, Seigneur, que vos paroles, jamais ne quittent ma pensée. Vous avez dit : « Venez à moi, vous tous qui souffrez et pliez sous le fardeau, et je vous consolerai » (Mt 11, 28). Que voulons-nous de plus, Seigneur ? Que demandons-nous ? Que cherchons-nous ? Pourquoi ceux du monde se perdent-ils, sinon parce qu’ils sont en quête de bonheur ? Ô mon Dieu ! Qu’est-ce que cela signifie, Seigneur ? Quelle pitié ! Quel profond aveuglement ! Chercher le bonheur là où il est impossible de le trouver ! Ayez pitié, Seigneur, de vos créatures, considérez que nous ne nous comprenons pas nous-mêmes, que nous ne savons pas ce que nous désirons et n’arrivons pas à trouver ce que nous demandons. Seigneur, la lumière nous est plus nécessaire à nous qu’à l’aveugle qui l’était de naissance : lui désirait voir la lumière, mais ne le pouvait pas. Actuellement, Seigneur, on ne peut pas voir clair. Quel mal incurable que celui-ci ! C’est le moment, Seigneur, de faire éclater votre puissance, le moment de manifester votre miséricorde. C’est une très grande chose que je vous demande, ô vrai Dieu, mon Dieu : d’aimer qui ne vous aime pas, d’ouvrir à qui ne vous appelle pas. Vous avez dit, ô mon Seigneur, que vous êtes venu chercher les pécheurs (Mt 9, 13) : les voilà, Seigneur, les vrais pécheurs. Ne considérez pas notre aveuglement, ô mon Dieu, mais plutôt tout le sang que votre Fils a répandu pour nous. Que votre miséricorde resplendisse sur notre croissante malice ; rappelez-vous, Seigneur, que nous sommes votre ouvrage. Que votre bonté et votre miséricorde viennent à notre aide. Ainsi soit-il.

Antiennes

Ã. Ego sum lux mundi : qui séquitur me, non ambulábit in ténebris : sed habébit lumen vitæ, dicit Dóminus.

Ã. Je suis la lumière du monde : celui qui me suit, ne marchera pas dans les ténèbres : mais il aura la lumière de la vie, dit le Seigneur.​

Antienne grégorienne “Ego sum lux mundi”

Antiennes Ego sum
Ã. Ego sum qui testimónium perhíbeo de meípso : et testimónium pérhibet de me, qui misit me, Pater.​

Ã. C’est moi qui rends témoignage de moi-même : mais il rend aussi témoignage de moi, mon Père qui m’a envoyé.

Antienne grégorienne “Ego sum qui testimonium”

Antienne Ego sum qui (MR)

Antienne grégorienne “Ego sum qui” (selon l'antiphonaire du Mont-Renaud)

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Vendredi de la 4ème semaine de Carême

Vendredi de la 4ème semaine de Carême

Vendredi de la 4ème semaine de Carême

Le mot de Saint Augustin
Jésus-Christ a pleuré : que l’homme pleure sur lui-même. Pourquoi, en effet, Jésus-Christ a-t-il pleuré ? N’est-ce point pour apprendre à l’homme à pleurer ? Pourquoi a-t-il frémi et s’est-il troublé lui-même ? N’est-ce point parce que la foi de l’homme, qui se déplaît à lui-même, à juste titre, doit frémir dans l’accusation de ses fautes, afin que l’habitude du péché cède à la violence de la pénitence ?
La résurrection de Lazare (Io 11, 1-45) : commentaire de Dom Delatte

Soit parce que la mort n’est que sommeil, au regard de Dieu qui nous réveillera ; soit parce que la mort de Lazare ne devait être que de quelques jours, le Seigneur parle non de mort, mais de sommeil : c’est pourtant un sommeil spécial, puisqu’il veut retourner en Judée pour en tirer son ami… Les disciples ne comprennent pas. Est-ce que Jésus n’avait pas dit que cette infirmité n’était point pour la mort ? Dès lors, pourquoi donc aller s’exposer aux dangers de la Judée ? Et ils détournent encore, mais plus faiblement, leur Maître de son dessein : « Seigneur, si Lazare dort, c’est donc que la crise est passée, la fièvre tombée, il est sauvé… » On voit le malentendu créé par les paroles énigmatiques du Seigneur. C’est alors que Jésus leur dit sans ambages : Lazare est mort, et je me réjouis pour vous, non certes du trépas de Lazare, mais des circonstances de son trépas, telles qu’elles ont été disposées par Dieu. Votre foi grandira de ces circonstances. Si je m’étais rendu à Béthanie, j’aurais guéri un malade, simplement. Ce que vous verrez portera votre foi à son achèvement. Maintenant, allons vers Lazare.

Marthe, l’active, s’empresse d’accourir dès qu’elle apprend l’arrivée du Seigneur ; Marie demeure chez elle, plus recueillie, plus humble, plus confiante peut-être. Un commentaire est contraint de morceler le dialogue, mais notre pensée doit en réunir tous les fragments. La scène est d’une incomparable beauté. Il y a un accent de tendre reproche dans les paroles de Marthe ; et comme Marie s’exprimera bientôt de même, nous avons le droit de supposer que les deux sœurs, durant les derniers jours de Lazare, avaient ensemble, auprès de son chevet, échangé cette même réflexion : « Ah ! si du moins le Seigneur Jésus était ici, ce serait moins dur ; et lui, il défendrait notre frère de la mort ». Aujourd’hui que tout est fini, la parole de Marthe signifie : « Pourquoi n’êtes-vous pas venu ? Nous vous avions fait avertir. Vous, vous ne l’auriez point laissé mourir ! » La foi et la confiance sont pourtant au cœur de Marthe : s’il y manque quelque chose, la parole du Seigneur le créera bientôt. Elle poursuit : « Maintenant qu’il nous semble que tout est fini, maintenant même, je sais que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous le donnera ». Pourquoi Marthe ne dit-elle pas : au Père ? Pourquoi suppose-t-elle que le Seigneur doit prier pour obtenir ? Ne saurait-elle pas encore que le Fils de Dieu peut rendre la vie par une puissance qui lui est propre ? On le dirait. Quoi qu’il en soit, le Seigneur promet avec réserve, parce que la foi de Marthe semblait impliquer un défaut : « Votre frère ressuscitera ».

Oui, répond Marthe, je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection de tous. C’est bien loin ! — Mais moi, dit le Seigneur, je suis la résurrection et la vie. Je ne suis pas seulement celui qui sollicite et obtient la résurrection et la vie. — Excepté lorsqu’elle s’applique à Dieu, la forme adjective « vivant » indique participation, et dès lors infirmité. Mais la forme abstraite « résurrection, vie », attribuée à un être subsistant, implique la plénitude, la possession de droit, l’indépendance, la causalité. Ce n’est aucunement que le Seigneur songe à exclure son Père : mais il lui plaît de montrer à Marthe et aux disciples que sa puissance est souveraine et qu’il suffit à ceux qui veulent vivre éternellement de s’attacher à lui. Il est assuré d’échapper à la mort, celui qui adhère à la vie. Tel est le témoignage que le Seigneur se rend à lui-même : le miracle qui viendra tout à l’heure en sera le gage et la démonstration. Pour les morts, et en particulier pour Lazare, je suis la résurrection ; pour les vivants, je suis la vie. Celui qui, par la foi, s’unit à moi a beau mourir, il vivra quand même ; et celui qui vit et croit en moi ne connaîtra jamais la mort. Ce n’est point mourir que de vivre à Dieu. La mort n’est pas ce que pense le vulgaire ; et notre vie, c’est d’être au Seigneur. Pour celui qui est attaché à la Vie, la Vie relèvera même son corps. Croyez-vous cela, Marthe ? — Oui, Seigneur ; depuis longtemps déjà, je suis assurée que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu, celui qui devait venir et qui est enfin venu au monde. Il ne manque rien à la profession de foi de sainte Marthe, comparable à celle de saint Pierre lui-même.

Sans doute le Seigneur lui a dit d’appeler sa sœur, car aussitôt après elle s’éloigne, va trouver Marie et, à voix basse, lui dit : « Le Maître est là ; il vous appelle ». Que de vocations religieuses ont été secrètement déterminées par cette seule parole : Le Maître est là ; il vous appelle ! Marie était demeurée paisible, chez elle : et l’on voit bien que le Seigneur avait compris son attitude de discrétion. Elle se lève, sur l’ordre de Jésus, et promptement vient à lui. Car, remarque saint Jean, Jésus n’était pas entré encore dans le bourg de Béthanie, mais était demeuré là même où Marthe l’avait rencontré tout d’abord. Marie partait sans fournir d’explication aux Juifs qui l’entouraient ; ils n’avaient pas entendu l’invitation transmise par Marthe. En la voyant s’éloigner, leur pensée commune fut qu’elle allait au tombeau de son frère pour y pleurer en liberté. Ils la suivirent.

Les tombeaux des Juifs se trouvaient en dehors des bourgades ; et le Seigneur était demeuré au croisement des deux routes qui conduisaient, l’une vers la sépulture de Lazare, l’autre à l’intérieur de Béthanie : c’est là que Marie rencontra son Maître. Elle leva les yeux vers lui, tomba à ses pieds, et, avec les termes mêmes dont Marthe s’était servie, mais plus brièvement, lui dit : « Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort ! » Elle le disait à travers ses larmes, avec un accent de reproche, mais si voilé et si tendre ; avec humilité et avec esprit de foi : même sa plainte affirmait la toute-puissance du Seigneur. On devine que cette absence du Maître avait été la grande souffrance, au cours de la maladie de Lazare. À la vue des larmes de Marie et de cette douleur qui arrachait des larmes aux Juifs, autour d’elle, le Seigneur se troubla. Son âme affectueuse fut émue, et il demanda : « Où l’avez-vous placé ? » On lui répondit : « Venez, Seigneur, et vous verrez ». Et, selon les dispositions variées de chacun, les larmes du Seigneur sont commentées. Tandis que l’on s’avance vers le tombeau, les uns disent : « Voyez : il pleure, il l’aimait bien ! » D’autres, hostiles, trouvent jusque dans les miracles qu’ils reconnaissent un grief contre les miracles que le Seigneur ne fait pas : « Est-ce que cet homme, qui a ouvert les yeux de l’aveugle-né, n’aurait pu défendre Lazare contre la mort ? Il verse des larmes. Mais alors, il aurait dû l’empêcher de mourir ». On le voit, la passion empoisonne tout.

Toujours en proie à son émotion, le Seigneur arrive au tombeau. C’était une grotte creusée dans le rocher ; une pierre en fermait l’entrée. « Roulez la pierre », dit Jésus. Y eut-il, à ce moment, une hésitation au cœur de Marthe et comme un retour de défiance ? Y eut-il seulement le désir d’épargner au Seigneur un mouvement de répulsion à l’approche d’un cadavre de quatre jours ? Il semble, —nous en demandons pardon à sainte Marthe, — que la première hypothèse est plus justifiée, si nous regardons aux paroles du Seigneur. Le Seigneur constate l’hésitation de Marthe et la soutient d’un mot : « Ne vous ai-je pas dit que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ? » Car le miracle qui va s’accomplir a pour dessein de démontrer la puissance divine du Fils de Dieu. On roula la pierre. Alors, le Seigneur leva les yeux vers le ciel et adressa à son Père une prière, non sous la forme d’une demande, mais d’un remerciement pour un bienfait accordé déjà, pour un bienfait assuré par la condition personnelle de celui qui accomplit le miracle. Le Seigneur l’avait obtenu de son Père. Sa nature humaine lui permet de prier, mais, comme Fils de Dieu, il est toujours exaucé. Il a conscience de sa filiation et de la tendresse du Père ; mais il remercie au nom et à cause du peuple de Jérusalem qui l’entoure et pour qui le miracle sera une preuve éclatante de sa mission divine. « Père, je vous rends grâces parce que vous m’avez écouté. Pour moi, je savais bien que vous m’écoutez toujours ; mais c’est à cause du peuple qui nous entoure, afin qu’il croie que c’est vous qui m’avez envoyé ». Et aussitôt la prière achevée, il commande à haute voix : « Lazare, venez dehors ! » Nous reconnaissons Dieu dans l’ordre souverain, comme nous avons vu l’homme dans la prière. Et la Mort obéit à l’appel de la Vie. Le cadavre de quatre jours se leva à l’instant, encore entouré de ses bandelettes, les pieds et les mains liés, la tête couverte du suaire. « Déliez-le, dit le Seigneur, et laissez-le aller ». Les Juifs, en délivrant Lazare de ses bandelettes et en le voyant marcher devant eux, aident partiellement au miracle et sont invités à en constater la réalité.

Remarquons qu’en cette circonstance tout le monde prophétise : non pas seulement Caïphe, comme nous le verrons dans un instant, mais les sadducéens eux-mêmes, qui dessinent très exactement ce qui arrivera dans une quarantaine d’années. Quant à se convertir, quant à reconnaître Jésus comme le Messie, personne n’y songe. Mais enfin, comment s’y prendre pour conjurer ces importuns miracles qui se font aux portes et au centre même de Jérusalem ? Il doit y avoir un procédé pour venir à bout d’un ennemi public ! Caïphe les tire d’embarras. Il était, dit l’évangéliste, le grand-prêtre de cette année-là : non qu’on veuille nous laisser entendre que la dignité était annuelle, mais afin de marquer une date chronologique et de donner la physionomie d’une époque où le souverain pontificat était en de telles mains : Caïphe sur la chaire de Moïse ! Il s’était formé une sorte d’oligarchie sacerdotale au sein de laquelle le gouverneur romain choisissait à son gré le pontife. Caïphe est homme de la prudence politique. Il ne s’agit pas ici de délibérer, leur dit-il assez durement ; vous n’y entendez rien. Comment ne voyez-vous pas qu’il faut ou que le peuple périsse pour un homme, ou bien qu’un homme périsse pour que tout le peuple vive ? Est-ce que le salut public ne l’emporte pas à l’infini sur un bien particulier ?

La raison est décisive. Il disait vrai, le grand-prêtre, tout comme s’il avait consulté l’Urim et le Thummim. Il fallait, et cela était voulu de Dieu même, et Caïphe ne savait pas à quel point sa parole était exacte, il fallait qu’un homme et que cet homme-là même mourût pour tout le peuple juif ; et non seulement pour le peuple juif, mais afin de grouper en un seul faisceau et en une seule famille, l’Église, tous les enfants de Dieu, jusqu’alors dispersés et semés çà et là sur la terre. L’esprit de prophétie qui sera sur Pilate lorsqu’il écrira le titre de la croix est aussi sur le grand-prêtre, et même, nous l’avons vu, sur le Sanhédrin tout entier. Toute l’assemblée fut convaincue par la réflexion de Caïphe. Et si jusqu’à cette heure on n’avait encore que conçu, nourri, caressé un désir homicide, on le convertit aujourd’hui en une résolution ferme, et prise de concert : le Seigneur est définitivement condamné à mort.

Prières

Oratio

Deus, qui ineffabílibus mundum rénovas sacraméntis : præsta, quæsumus ; ut Ecclésia tua et ætérnis profíciat institútis, et temporálibus non destituátur auxíliis. Per Dóminum.

Oraison

Ô Dieu, qui renouvelez le monde par d’ineffables mystères, faites, nous vous en supplions, que votre Église profite de ce que vous avez institué pour la conduire à la bienheureuse éternité, et qu’elle ne soit point privée de votre secours dans ses besoins temporels.

Oratio

Da nobis, quæsumus, omnípotens Deus : ut, qui infirmitátis nostræ cónscii, de tua virtúte confídimus, sub tua semper pietáte gaudeámus. Per Dóminum.

Oraison

Accordez-nous, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, à nous qui, conscients de notre faiblesse, nous confions en votre puissance, de pouvoir toujours nous réjouir sous l’égide de votre bonté.

Prière de Philippe de Mézières (1327-1405)

Je le désire, je le sollicite de toute l’énergie de mon cœur : très doux Jésus, donnez-moi votre amour, qui est si suave, qui est si chaste ; remplissez-moi de cet amour ; que cet amour me possède, que cet amour me purifie !

Mais je voudrais un signe de cet amour ; et ce signe que je désire, ce sont vos larmes, Seigneur. C’est à vos larmes que je reconnaîtrai votre amour.

Très bienheureux Jésus, aimable et beau, qui avez pleuré sur votre ami Lazare, qui avez pleuré sur Jérusalem, pleurez sur moi, pleurez une larme de compassion, une seule. Et par cette très douce larme que vous aurez versée, je vous supplierai, Seigneur, de m’accorder à mon tour le don des larmes, en sorte qu’elles jaillissent suavement de mes yeux, toutes les fois que j’entendrai prononcer votre nom, que je penserai à vous, que je me mettrai en votre présence, que je vous adresserai mes louanges, mes prières et mes actions de grâces.

Et soyez doux pour moi, comme vous l’avez été avec la pécheresse dans la maison de Simon le lépreux ; et que mes larmes ressemblent à celles qui coulèrent alors des yeux de cette pénitente, quand elle répandit un vase de parfums sur vos pieds, quand elle les essuya avec ses cheveux, quand vous la congédiâtes dans la paix.

Ô Jésus de Nazareth, s’il est si doux, si doux de pleurer pour vous, combien ne sera-t-il pas plus doux de vous avoir pour sujet de notre joie ?

Très miséricordieux Seigneur, je remets mon âme entre vos mains ; et je ne vous confie pas seulement mon âme, mais aussi mon corps, ma vie, mon cœur, toutes mes pensées, toutes mes action, en sorte que votre volonté soit toujours faite en moi, sur moi et par moi. Délivrez-moi de tout mal, et entrainez-­moi à la Vie, à l’éternelle Vie. Ainsi soit-il.

Antiennes
Ã. Lázarus amícus noster dormit : eámus et a somno suscitémus eum.
Ã. Lazare, notre ami s’est endormi : allons, et tirons-le de son sommeil.

Antienne grégorienne “Lazarus”

Antienne Lazarus
Ã. Vade, mulier, semel tibi dixi : si credideris videbis mirabilia.
Ã. Allez, femme, je vous l’ai dit une bonne fois pour toutes : si vous croyez, vous verrez des merveilles !

Antienne grégorienne “Vade mulier”

Antienne Vade mulier

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